C’est sous un soleil de plomb et un vent à décorner les beaufs – et les bœufs aussi – que j’arrive à Santiago. Je suis rejoint par le camarade marseillo-normand (le mec se dit plus nîmois mais c’est la même engeance tout ça !) quelques jours plus tard. Nous mettons à profit cette petite semaine santiaguinote sans UNE manif intéressante pour nous mettre à la page chilienne après ces deux années d’absence. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le Chili, en cette période électorale – présidentielle, sénatoriale, législative, régionale – et ben, c’est bien le bordel. Rien de plus anxiogène que de jacter avec les copains, de regarder les infos à la télé. Entre les narcos, les meurtres gratuits, les ladrones, accidents mortels de voiture… mater un JT c’est se prendre une sueur froide à l’idée de sortir dans la rue. Même le grand Jean-Pierre Pernaut n’était pas aussi flippant quand il faisait campagne pour les Sarkozy/Le Pen. Petit topo donc pour nous mettre en condition pour les semaines à venir.
Cette année la présidente Bachelet (socialiste) ne pouvant se représenter – elle finit son deuxième mandat – c’est son bras droit, Guillier, qui est en charge de défendre son bilan. En face de lui, Piñera qui brigue un deuxième mandat. Pour faire court Piñera c’est le mix parfait entre Berlusconi pour le côté milliardaire et Sarkozi pour le côté parvenu et les TOC. Le mec bouge ses épaules en permanence comme s’il vivait sur une faille sismique. Bon, il VIT sur une faille sismique. D’ailleurs ici tout le monde attend le Big One. On nous prédit un méga tremblement de terre très prochainement. Ambiance… Mais revenons à nos moutons électeurs qui ont à choisir pour le deuxième tour entre : à ma droite, Piñera, donc, soutenu par Kast, d’extrême droite, fils d’un « migrant » nazi et qui avait « un programme tellement bon que Pinochet aurait voté pour [lui] ». Et à ma droite aussi mais moins Guillier (PS). Celui-ci a la lourde tâche de défendre un bilan catastrophique qui ferait passer celui de François Hollande pour une révolution prolétarienne. Entre corruption et non-respect des engagements de campagne, népotisme, répression des vieillards ex-prisonniers politiques, des mapuche et des pascuans, ce gouvernement divers gauche (avec de vrais morceaux de communistes dedans) a tout pour plaire. A côté Manuel Valls à l’air d’un affreux marxiste humaniste.
Du côté des anciens prisonniers politiques, que nous avions laissé se bagarrer contre l’état pour gagner quelques pesos et un meilleur niveau de vie, c’est la débandade totale. Le mouvement s’est – encore – scindé en plusieurs petits groupes suite aux coups de péripatéticiennes de militants communistes qui ont voulu faire un véritable coup d’état au sein du mouvement. Les militants communistes (s’entend les militants du Parti Communiste) devraient être dissouts dans je-ne-sais-quel acide pour service rendu aux forces réactionnaires. De la « Révolution » russe à aujourd’hui en passant par la Guerre Civile espagnole, ils n’ont eu de cesse de faire capoter tout ce qui ne rentrait pas dans la ligne directrice du Parti. Nos ex PP donc, malgré une lutte des plus légitimes et même le soutien d’organisations onusiennes, se retrouvent comme des cons. Il n’y a pas d’autre mot. Ou alors Grosjean comme devant. Ou le bec dans l’eau, pour ne pas dire fort maris.
Enfin, et j’ai gardé le meilleur, les mapuche (dont je rappelle qu’au pluriel on ne met pas de S car mapuche est déjà un pluriel, je le redis pour ceux du dernier rang). Après les meurtres impunis de communeros au Chili et en Argentine, de disparitions de militants (en Argentine) après arrestation par la gendarmerie, l’ultra militarisation de la campagne, c’est avec consternation que nous apprenons le passage à tabac du fils de Jaime, werken de la communauté autonome de Temucuicui que nous avions prévus de rencontrer prochainement. Le garçon de 13/14 ans a été démonté – ainsi qu’un de ses amis du même âge – par un grand propriétaire terrien, son fils et son beau-fils. Flingues, coups de latte… Tout ce qu’il faut pour te refaire une belle dentition. Les deux gamins ont été hospitalisés, le fils de Jaime dans un état grave. Rendez-vous est donc pris pour aller voir ça de plus prêt en fin de semaine, ce qui nous permettra de faire un topo un peu plus précis de la situation dans les communautés.
Certes, tout ceci est assez anxiogène. Mais cela ne nous empêche pas de dormir tranquilles. Sommeil effectivement facilité par notre dose quotidienne de pisco sour. A votre santé !