Keny Arkana et la Pacification de l’Araucanie

Départ prévu lundi matin. Notre camarade Saïd nous rejoint à La Cisterna, le quartier sud où habite la famille de Patricio, où nous mangeons avant de partir. Les infos parlent en continu des incendies de forêt qu’il y a dans la région où nous nous rendons. Et notamment celui qui ravage une partie de la Forestal de Temucuicui. Évidemment les Mapuches sont mis en cause par les pouvoirs publics, sans aucune preuve. Mieux ! La porte parle du gouvernement nous apprend que celui-ci a l’intention de « Pacifier » [sic] l’Araucanie. Pacifier. Comme au bon vieux temps de l’Algérie. Comme au bon vieux temps des colonies si joliment chanté par notre bon vieux Sardouille. Comme au bon vieux temps où le nom de la guerre contre les Mapuches, au milieu des années 1800, s’appelait : « Pacification de l’Araucanie ». Incroyable. 150 ans de racisme, de haine, de colonialisme… résumés en un mot. C’est pour ça qu ‘elle est porte-parole. Elle peut résumer la pensée dégueulasse de son gouvernement en une phrase. Balaise la gonzesse !
Nous arrivons à Concepcion chez le camarade Rodrigo. Celui du Nicaragua. Initialement nous devions visiter sa prison du coin mais nous apprenons que l’ami Emilio s’est vu brimé une nouvelle fois. « On » a retrouvé un portable dans sa cellule. Sauf que le propriétaire du téléphone s’est immédiatement dénoncé. Pas grave. Emiliano va prendre quand même un mois d’interdiction de visite. Nous décidons donc de nous rendre à la manifestation organisées pour dénoncer cela le lendemain.
Rodrigo nous invite le week-end à venir à la « Fiesta del Abrazo ». La fête des embrassades. Bon, moi et ma pudeur naturelle je me dis « la fête de la galoche », pas moyen. Hors de question de mettre ma langue dans une bouche que je ne connais pas ! Que nenni ! La fête des embrassades, c’est la Fête de l’Huma locale. Pendant les années 80, les cocos organisaient des pique-niques clandestins au Parque O’Higgins et se transmettaient ainsi des infos, en loucedé, en se faisant l’accolade. L’embrassade. Rendez-vous donc prit chez les cocos dans une semaine.
Nous partons le lendemain de chez le camarade pour une manifestation prévue à 10h. Normal, on arrive à 11h30. Tellement de camions et de travaux sur la route qu’il nous faut 2h30 pour faire 120 bornes ! Des travaux parce qu’ici on installe des péages partout. T’as qu’une route pour aller d’un point A à un point B ? Ben on va mettre un péage tiens ! Si t’es pas content t’as qu’à aller à pied weon !
Devant la prison, petit attroupement. Famille, amis. Nous faisons valoir notre titre d’observateur pour rencontrer Emilio et le maton en chef nous laisse passer. 30Mn de visite. Un luxe. Emilio nous raconte sa mésaventure mais semble plus déterminé que jamais. Très combatif. Quand il apprend que le camarade Saïd est rapero, rappeur, il nous parle de la personne qu’il préfère en rap. Keny Arkana ! Quand il apprend que Saïd la connaît (ah oui, au fait, le camarade Saïd n’est autre que LE Saïd de ZEP et de MAP), il lui dit « elle est géniale, faut qu’elle vienne chanter pour les Mapuches, ici au Chili… ». Plus tard d’autres Mapuches nous dirons la même chose. Je ne suis pas certain qu’elle me lise mais si c’est le cas : Keny, ici, les Mapuches sont fans de ton boulot et ils comptent sur toi. Si t’as la chance de passer par là tu seras reçue comme une reine !
Emilio a un discours toujours aussi combatif. Ce qui fait peur à sa mère. Il veut absolument un procès politique, alors que tout joue en sa faveur du côté civil, que son avocat travaille visiblement très bien. Mais non. Lui veut politiser son procès, quitte à diminuer ses chances de gagner. Et il le sait. Tout le monde le sait. Et il continue de s’intéresser à toutes les luttes. Celles des Kabyles, des Palestiniens… des Bretons. Je lui promets que s’il apprend le français je lui trouve un bouquin sur l’histoire des luttes en Bretagne.
Après cette rencontre, nous repartons pour Temuco. Nous déposons en chemin Cecilia, jolie Mapuche, femme de prisonnier politique et sa belle-sœur, du côté de Cañete. Comme nous avons un peu de temps on se dit qu’on va aller dire bonjour à la communauté de Temucuicui. Sur la route nous croisons une multitude de feux de forêt. De Forestal plutôt. C’est pas comme si c’était grave. Arrivés chez Jaime et Griselda en fin d’après-midi, ceux-ci nous invitent à rester manger. Pendant que j’aide Griselda à chercher du bois pour le poil et de l’eau à la source (elle m’apprend que la nuit on peut croiser des pumas dans le coin !), les camarades vont au village acheter de quoi festoyer. Ils croisent un groupe d’ouvriers agricoles en train de faucher le blé d’une parcelle. Sous haute protection policière ! Cette parcelle appartient à un grand propriétaire terrien qui a déjà tiré à la carabine sur des Mapuches. Mais heureusement il ne risque rien. Tirer sur un cerf ou sur un Mapuche, la différence c’est que le deuxième ne se mange pas ! Et la police protège ces travailleurs car cette parcelle est entièrement OGM Monsanto. En fait la police est la pour protéger les biens d’Ourban (c’est le nom du latifundiste). Pas ses travailleurs évidemment. Et Ourban ne travaille que de l’OGM.
Au cours de la soirée, Jaime nous confirme que l’incendie qui a fait rage près de la communauté (éteint depuis la veille) et attribué à un bien étrange Mapuche en capuche, n’a touché « que » des bosquets d’arbres natifs. Protégés par les Mapuches. Que les bomberos, les pompiers, n’ont fait « que » protéger les intérêts de la forestal, les pins et eucalyptus autours. Sans essayer d’éteindre le feu dans le bosquet. Étrange… Mais bien sûr, personne ici n’ose mettre en cause la probité de la forestal, qui fait tout pour récupérer cette petite parcelle pour y planter du pin. Que le feu lui facilite le travail est bien sûr des plus fortuits…
Nous resterons finalement toute la semaine dans la communauté. Pour le meilleur…
Partout sur la route on voit de la fumée…
Sur des centaines de bornes jusqu’à Concepcion.

Usine thermoélectrique…
Entreprise française !
Devant la prison de Lebu.

Emilio Berkhof…
parlant à sa compagne Peggy.
Autres feux du côté de Collipulli.

Ferme familiale de Jaime.

Arbre sacré dont j’ai encore oublié le nom. Mais on l’appelle aussi Natal
Maison des ancien proprio de cette zone en récupération
Eau pure venant directement de la montagne.

Pato, Jaime, Saïd et les enfants et neveux de jaime

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