Le grand chef de guerre mapuche Lautaro était tout sauf une tanche. Bon il est mort jeune parce qu’un blaireau l’a balancé aux espagnols (en 1557, merci wikipédia) mais jusque là il leur a fait une belle misère. Notamment en butant Valdivia, le fondateur de Santiago. Une des forces de Lautaro était sa capacité à comprendre les stratégies militaires espingouines. 6 ans dans les geôles des conquistadors à mater leurs tactiques et tout et tout et voilà que quand il se fait la belle et ben le mec il décide de leur rendre comme il faut un chien de leur chienne. Et le gars il invente une tactique qui consiste à lancer de petits groupes qui harcèlent en permanence les troupes ennemies. Ils cognent ils repartent aussitôt. Ils vont plus loin et rebelote. Pour les avoir à l’usure. Ben le bonhomme il a fait des adeptes.
Nous arrivons à Temuco par le bus de nuit vers 6h du matin. Notre camarade Arturo ne peut être avec nous et on prend fissa un autre bus pour Angol. J’avoue que la perspective de me taper 2 heures de route juste après les 10h de voyage de nuit sans dormir m’escagasse grave. Mais bon, le camarde a une bonne excuse. En approchant d’Angol nous croisons des bus chargés de mapuches bloqués sur le bas côté par la police. Ça promet. Nous avons rendez-vous avec eux pour une marche qui doit nous mener devant le tribunal afin de rendre hommage et soutenir Daniel Melinao, accusé du meurtre d’un policier. Comme souvent, manque de preuves, violences… Classique dans cette région.
Nous allons poser nos affaires (valises, ordinateurs…) au musée de la ville dont le directeur est un vieux camarade de Pato. Et puis on attend l’arrivée des manifestants. On attend. Et encore un peu. Et puis tout à coup, les commerçants commencent à fermer les rideaux. Passe devant nous un impressionnant cortège de voitures blindées, de camions et de motards. On se souvient tous des assassins de Malik Oussekine. Ces tueurs étaient nommés « voltigeurs ». Pour rappel ces enculés ont juste pris du sursis! Bref tout ça pour dire qu’ici il y a le même genre de motard. Et ils ont pas l’air commode. Comprenant que la manif’ a commencé sans nous, on s’en va la rejoindre. Sauf que les condés ont déjà commencé à travailler et à disperser les mapuches. Sur les 1000 manifestants, le groupe qu’on croise n’est plus que de moins de 100 personnes. Les autres se sont constitué en petits groupes qui harcèlent la maréchaussée. Cailloux et bâtons contre blindés et matraques.
Gaz, canons à eau sur un groupe de femmes et d’enfants, les carabiniers font tout pour disperser au maximum. C’est plus facile de chopper les manifestants quand ils sont en petit groupe. Arrivés devant le tribunal, la bleusaille reprend la matraque quand certains manifestants, furax de pas pouvoir s’approcher et assister à l’audience de Daniel, commencent à jeter quelques cailloux. Alors que je photographie la scène je me prend un bon coup de matraque dans les reins pour me faire avancer et quitter les lieux. Pas trop de mal mais ça surprend. Pas grave on continue on avance dans les gaz lacrymo qu’ils balancent comme des oufs. Jamais eu la gueule autant rongée par cette saloperie. Seule consolation, un peu plus tard alors qu’on essaie de trouver à boire – toujours avoir de l’eau et du citron pour faire passer cette saloperie – on croise une camionnette de carabiniers avec dedans des mecs aux yeux rouges, en train de s’asperger à grandes eaux. Petit retour de bâton qui me fait bien marrer.
Les affrontements auront duré 1h, 1h30. La suite est plus tranquille. Retour au tribunal – toujours pas accessible – où nous attendons la fin de l’audience. Et c’est long. En plein cagnard. 36° la journée la plus chaude depuis mon arrivée. Et c’est un moment étrange. Les flics enlèvent leurs casques, des jeunes filles mapuches les vannent et tous de rire ensemble… Tous cherchent l’ombre. 5 heures d’attente pendant lesquels nous apprenons l’arrestation du principal témoin de Daniel Melinao. Le curé Luis Garcia Huidobro atteste qu’il était avec le werken très loin de sa communauté le jour des faits. Ben c’est un des premiers manifestants arrêté. Quel heureux hasard! En tout 17 interpellations dont 1 mineur de moins de 14 ans (âge de la majorité judiciaire) 1 femme avec son bébé et le lonko Victor Quaipul que nous avons rencontré la semaine passée. Une bénévole d’une association juridique nous assure que tous ont été maltraités par les carabiniers. Et un homme à une grave entaille bien profonde mais visiblement pas assez pour avoir le droit de voir un toubib. Nous quittons Angol vers 20h alors que la plupart des interpelés est encore en garde à vue.
Mardi, nous partons pour Cañete – 3h de route à travers la
Cordillère de Nahuelbuta, splendide – pour retrouver
Peggy Vocaz et ses deux enfants. Nous avons rendez-vous à la prison de Lebu – 1h de plus – avec son compagnon Emilio Berkhoff. Ce jeune homme risque 40 ans pour incendies, port d’arme, et agression de fonctionnaire. Procès vite expédié, avocat commis d’office qui s’en bat les parties… Lebu est une petite ville côtière et sa petite prison est un trou propre mais délabré. Nous avions eu de mauvaises nouvelles quant au moral d’Emiliano mais c’est un jeune homme très combatif qui s’exprime. Avec un discours politique très clair et très construit. On comprends vite que la visite d’étrangers est un réconfort. L’idée qu’il n’est pas « seul ». Et sa compagne est très courageuse, à continuer à se battre contre le système tout en s’occupant de sa progéniture. Nous avons droit à 3 heures avec Emilio. Mais comme on est pas des chiens on lui laisse 15mn d’intimité avec sa femme et ses enfants. Sympa non?
Mercredi, revisite de prison mais ici à Temuco. Visite spéciale obtenue par les camarades du CECT local. Nous y rencontrons le machi Celestino Cordoba. Accusé du meurtre du couple Lluchsinger – Makay, propriétaires terriens. Celestino est sans doute le plus connu des détenus mapuche. Sa fonction de machi en fait un personnage important de sa communauté. Le machi est une référence spirituelle. Et s’attaquer à lui est une manière de s’attaquer au cœur de la culture mapuche. Daniel à l’air fatigué – cela fait 1 ans qu’il est en taule – mais lui aussi a un discourt très clair et très intéressant. Plus spirituel que politique. Attention point culture : César pour conquérir la Gaulle s’est appliqué méthodiquement à tuer tous les druides. Parce qu’ils étaient au cœur de la structure sociale, culturelle et spirituelle celte. Il les a tous niqué sauf ceux d’Irlande qui ont fini par se christianiser et à venir évangéliser la Bretagne quelques siècles plus tard. Et ben ici avec Celestino, le Chili tente une tactique similaire. Ça va être dur pour lui d’autant que la police et la famille des victimes semblent vraiment vouloir en faire un exemple… La suite judiciaire en mars/avril.
Demain retour à Santiago…
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Un feu de forêt. En voyant la fumée de loin, un mapuche dit « un incendie, mais ça va. C’est dans les pins. C’est pas dans la forêt. |
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Premiers manifestants bloqués par la police. |


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Véhicules blindés partout dans la ville. |















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Le mec le plus optimiste de la journée! |





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Patricia « La Chepa » Troncoso; 120 jours de grève de la faim en prison! |





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Blocage de la rue du tribunal. |

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Hum, you touch my tralala… |




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Les forces spéciales, les pires! |

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Rodrigo Roman, avocat de Daniel Melinao. |
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L’avocat Nelson Miranda. |
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Un flic en civil. Pas moyen de photographier sa gueule. |
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T’as raison, baisse la tête! |
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Felipe Duran, reporter et militant. |


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Ici même quand tu bois de l’eau tu finances Coca. |
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On cherche l’ombre. |

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On a même droit à un hélico. |



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Métaleux, photographe et soutien aux mapuches. |


Petites prises vidéo en amateur.
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On attend notre bus sur l’autoroute… |
Vers Lebu, à travers la Cordillère de Nahuelbuta





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Prison de Lebu. |



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Ça rassure ! |



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Hôpital de Cañete. |







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Lac Lanalhue. |

