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Codpa, Caleta de Camarones |
Il n’y a pas que du négatif avec les tremblements de terre. D’abord ça fait marcher le btp, ça évite de voir construire des centrales nucléaires de partout – je dis ça mais Sarkozy a quand même signé un accord avec son homologue chilien de l’époque pour la construction par Areva d’une bonne grosse centrale sur une zone bien sismique comme il faut – et en plus ça permet de mettre à jour des trésors cachés depuis des siècles. Ainsi, à la Caleta de Camarones, au nord d’Iquique, le dernier Terremoto a fait apparaitre des momies datant de -10.000 à -20.000 ans. Preuve qu’avant les espagnols y’avait un peu de monde dans le coin.
C’est avec Francisco Rivera que nous avons rendez-vous ce jour. Et la rencontre est des plus intéressantes. Francisco est Aymara. Outre sa lutte pour la préservation des cultures Aymaras et Quechuas – luttent rendues difficiles dans cette partie du Chili par le manque d’unité et par un certain fatalisme – il se bat pour la préservation de ces trésors archéologiques qui nous viennent de la civilisation Chinchorro, aujourd’hui disparue. Ces momies sont les plus vieilles trouvées sur le continent. Et bien évidemment la proie de collectionneurs sans scrupules. Francisco nous emmène sur le lieu des principales découvertes. Nous passons par un bidon ville de pêcheurs, que d’aucuns appellent village. En chemin nous croisons un nombre impressionnant de bâtiments qui ressemblent aux camps de concentration pour volailles que certains crétins finis de la FNSEA appellent poulaillers. Et oui, c’est bien de cela qu’il s’agit. Un petit cadeau de Pinochet. Je rappelle qu’ici il ne pleut pas, que malgré la proximité de la mer, il fait une chaleur à crever. Que donc l’eau quasi inexistante par ici sert non pas à abreuver les populations mais à la production de mauvais – pléonasme ? – poulets en batterie. Petit cadeau donc du générale, pour remercier la population locale de son soutien.
Fransisco nous conduit ensuite à Codpa, petit village de l’Altiplano. Un véritable havre de paix et de verdure au milieu de la rocaille et du désert. Dans cet oasis on cultive vignes et vergers. Vignes dont on fait un « petit vin » de pays qui tape à quand même 20° ! Mais très bon et très fruité. Quand je disais que Pinochet avait soutien d’une partie de la population locale, Paulo Leiva, un jeune sociologue qui travaille au recensement de la population pour mettre en forme un plan d’évacuation en cas de séisme ou inondation (1 heure de pluie et la vallée est inondée ; un tremblement de terre et ce sont plusieurs tonnes de cailloux qu’on se prend sur le coin de la tronche!), Paulo, donc, nous raconte la chose suivante : lors d’une visite chez une vielle dame, maison en mauvaises pierres, sol en terre battue et chèvres qui vivent dans la salle à manger, il voit accrochée au mur, bien visible et encadrée, la photo des généraux de la junte. Qu’il reconnait évidemment de suite. Il demande alors naïvement qui sont ces gens. La dame répond que « ben les généraux pardi ! » « Ah ? Vous les appréciez ? » Et la pauvresse de répondre : « ben oui, c’était les seuls qui pouvaient nous protéger des communistes. On m’a dit que les communistes mangent les chèvres. Et comme j’ai pas envie qu’on mange mes chèvres… » Ah ben oui. Chez nous ils mangent les enfants. Au Chili ils mangent les chèvres. Y’a du progrès !
En parlant de communistes. Nous dormons le soir à Arica, la grande ville la plus au nord du pays, proche de la frontière péruvienne. Nous y retrouvons un autre camarade, David. Militant actif de l’Assemblea Constituyante. Le lendemain, après un petit déjeuné dans un rade bon marché, à écouter du Leonardo Favio, un chanteur local à la voix de Jean Ferrat, c’en est troublant, nous faisons ensemble le chemin de retour jusqu’à Iquique. Passage obligé par Pisagua, sur la côte. Il y a des lieux aux Chili où l’histoire est tellement présente qu’on ne peut que ressentir un certain malaise, comme la Villa Verdi par exemple. Mais rien, absolument rien de comparable à ce petit village de pêcheurs. Je ne suis pas des plus ouverts quand on me parle âme, esprits ou autres bondieuseries. Mais je n’ai jamais ressenti pareille tristesse. Au sortir de la deuxième guerre mondiale, en 1946 je crois, le nouveau président, le radical Gabriel González Castillo, élu avec le concours de la gauche en générale et des communistes en particulier – qu’il fait rentrer au gouvernement – décide qu’en fait il s’est trompé. Que les communistes c’est caca et que ça serait bien de les enfermer et de les priver de tous leurs droits civiques. Pour 5 ans. Histoire de voir si se sont bien des hommes comme les autres où juste des bêtes sanguinaires. Et c’est à Pisagua qu’ils sont parqués et assassinés. Ce grand homme a également créé 2 camps de concentration sur les iles Mocha et Quiriquina pour y enfermer la lie de la société, à savoir ce qui restait de cocos et les homosexuels. Quelques 27 ans plus tard, Pinochet et ses affidés trouvent que Pisagua se prête plutôt bien au parcage des dangereux mangeurs de chèvres (mais là on est moins regardant sur la qualité : en plus des communistes on trouve des socialistes, des gauchistes chrétiens, des radicaux…). Et d’en faire un des pires camps de concentration du pays. Les fondations des baraquements des détenus (ils ne sont pas officiellement prisonniers) sont encore visibles et la prison est devenue un collège. Des énergies négatives impressionnantes. Avec les 3 camarades, Pato, Celso et David nous nous rendons au cimetière de la ville. Et tous de ressentir une infinie tristesse. Chacun d’eux trouve en effet le nom d’un ou plusieurs camarades gravés dans le marbre du monument aux morts trouvés dans les différentes fausses communes de la ville. Plus tard, à Iquique, Manolo, notre ami pêcheur, nous raconte les larmes aux yeux, avoir découvert lors de fouilles dans un charnier, le cadavre d’un bébé.
C’est un peu groggy, décontenancé et seul – les trois vieux dorment à peine la voiture démarrée ; je ne sais pas ce qui est pire entre conduire des ados ou des retraités, au moins avec les premiers t’as pas à changer les couches ! – que nous retournons à Iquique. J’ai le pied au plancher. Nous sommes à la bourre. Pato doit reprendre l’avion car ce con a promis à sa compagne de passer Noël avec elle… Celso et moi n’ayant pas ce genre de contingence, avons encore quelques jours de vacances dans le coin. Et on va bien se la donner !
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Du désert… |
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Encore du désert… |
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Et des optique crados ! |
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La lucha finale au milieu de rien ! |
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Pétroglyphe |
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Caleta Camarones |
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Hommage aux peuples premiers de la région. |
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Pato et Francisco devant un des lieux de découverte de momies. |
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Site de fouilles archéologiques |
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Une des richesse du coin : le guano. |
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Le « village » de pêcheur |
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Les volaillères. |
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des dizaines.. |
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Approvisionnées en eau d’on ne sait où. |
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La vallée de Camarones |
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Une pompe à essence au milieu du désert. |
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Codpa |
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Son église, la deuxième plus vieille du Chili. |
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Lama nain |
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Pierre de pluie, ne me demandez pas comment ça marche. |
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Arica |
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Eglise construite par Gustave Eiffel |
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Pisagua |
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Sa prison pour cocos, aujourd’hui collège. |
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Le cimetière |
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Fausse commune |
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Mémorial au assassinés et disparus de Pisagua |