Santiago, 2 décembre. Aux environs de midi heure locale.
Température extérieure : 34°. Ressentie : 50°.
Rendez-vous avec Celsio. Un vieil ami de Pato. L’objectif : aller ensemble à l’ambassade d’Autriche. Un amour commun des pantalons de peau à bretelles et des petits chapeaux à plume nous pousse à nous rendre sous un soleil de plomb aux bureaux de la délégation teutonne afin de rendre un vibrant hommage à ce peuple qui a offert au monde les valses les plus sirupeuses et ainsi rendue possible la célébrité d’André Rieu. Ça et une action de militants écolos venus en ce lieu pour faire le maximum de bruit. Et je dois bien avouer que le rapport nombre de participants/niveau sonore est des plus impressionnants. Un bruit incessant dû à l’utilisation de bouteilles d’eau vides (le détail a son importance) et la répétition de refrains criés à tu-tête fait rapidement mal au crâne. Mais c’est marrant. Cette action préfigure une manifestation d’importance le 13 de ce mois. Dans le viseur de ces dangereux ennemis du progrès, le projet hydroélectrique d’Alto Maipo. Je l’avais déjà évoqué rapidement lors de mon précédent voyage, mais il semble que les choses se précisent. Avec une actualité assez amusante en plus. Voilà le topo. L’idée est de construire deux centrales hydroélectriques, alimentées par la captation des eaux des affluents du Río Maipo qui fournit 80% de l’eau potable de la région de Santiago. Et pour ce faire il va falloir mettre dans 70 km de tuyaux les Ríos Volcán, Yesoet Colorado et défigurer ainsi ce site naturel. Il se trouve que l’entreprise chargée du projet est autrichienne. D’où notre présence.Bon, rien de nouveau sous le soleil me direz-vous, une grosse boîte pour se faire de l’oseille va poly violer Mère Nature avec l’assentiment d’un pays dit civilisé. Oui mais là où l’histoire prend tout son sel c’est quand on apprend que l’électricité fournie par ces centrales doit aller direct au nord du Chili, pour faire tourner des mines qui appartiennent à la famille Luksic. Un milliardaire d’origine croate qui a fait fortune en découvrant une mine d’or. Et ce monsieur vient de s’illustrer en offrant devant les caméras de toutes les chaînes nationales 2.500.000.000 de pesos (3.304.062,68 euros) à l’écoeurant Teletón. Ce chanceux cynique a fait d’une pierre deux coups : il s’exonère d’impôts et il fait chialer la ménagère pour qu’elle soit plus compréhensive. Elle n’aura plus d’eau potable et un des plus beaux sites naturels du coin va être détruit, mais « les petits myopathes avaient l’air tellement content ! »
Après cette entrée en matière gauchiste, un bref passage par la Vega Central (un marché couvert) où nous déjeunons dans un petit bouiboui fort sympathique, le Karlita. Je recommande. Pescacito con arroz y ensalada. Traduction, poisson panné riz et salade. C’est moins glamour. Mais c’était vraiment bon, pas cher et en plus les serveuses (boliviennes et charmantes) n’arrêtent pas de t’appeler « mí amor », ça a son charme.
Petite visite du quartier Patronato, le quartier palestinien (une des plus grandes communautés de la diaspora palestinienne au monde) et nous arrivons à
la Casa del Sol. Dans ce superbe lieu, mes deux compagnons me présentent Amaro Labra, le chanteur auteur compositeur d’un groupe mythique au Chili : Sol y Lluvia. Ils viennent de fêter leurs 35 ans de carrière. J’ai eu plaisir à les voir sur scène l’année dernière et nous les reverrons dans quelques jours. J’adore ce groupe pour ce qu’il représente. Ils ont commencé sous la dictature, ont chanté sous et contre la dictature et même si Amaro m’avoue qu’en 88, profitant d’une tournée au Canada ils se sont tâtés pour s’exiler, ils sont revenu (un en prétextant que sa femme et ses gosses l’attendaient – j’ai pas bien compris en quoi c’était une bonne raison – et les autres après la victoire du No lors du référendum, pas folle la guêpe). Rien à voir avec ces branleurs qui fuient la dictature socialo communiste française pour payer moins d’impôts ! Ces mecs ont chanté des horreurs sur Pinochet PENDANT la dictature (AdiosGeneral). Et ils sont encore là. Ce qui me fait dire que, bon, c’est vrai que les militaires sont un peu soupe au lait. On ne va pas le nier. Mais c’est bien la preuve qu’ils peuvent être compréhensif et mélomane. Un bon massacre pour tuer le temps, un viol collectif pour se lâcher et ça y est. On est plus enclin à se montrer magnanime et attentif. Ce sont de grands enfants après tout. Comme le disait fort à propos Desproges en son temps : « dans Pinochet il y a hochet ».
Amaro me fait visiter les lieux et franchement ça me plait. Sur trois étages, on trouve des salles de classe ; des ateliers de : mosaïque, yoga, pilates, ballet, origami, dessin, gravure, faïence ; un restaurant salon de thé avec une carte des plus attirantes (y’a même du végétarien) ; une salle de spectacle, une autre de conférence. De quoi accueillir des artistes en résidence, les exposer, les faire jouer, répéter… Et même de quoi les aider à assurer une bonne promotion. Le tout administré collectivement. Je suis sous le charme. De plus je sais par les deux lascars qui m’accompagnent que Amaro met une grosse part de ses cachets dans ce projet. Il redistribue presque tout. Classieux !
Au retour nous faisons halte
Plaza de Armas afin que je connaisse enfin le Mote con Huesillo, une curiosité à base de fruits séchés au soleil (ici des pêches), réhydratés dans un sirop et dans lequel on rajoute du blé. C’est frais et par ces chaleurs c’est plus que bienvenu (même si très sucré et que nous nous empressons de trouver une terrasse pour nous désaltérer à la bière !). On trouve des marchands ambulants de ce breuvage absolument partout. C’est une des boissons nationales du Chili. Avec le terrible Terremoto, dont je vous conterai ma rencontre… heu… demain ?
Un peu de son pour illustrer ici et ici.






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Le Karlita. Pas d’autres photos, Celsio me déconseille de sortir l’objectif. Un peu trop de vols à la tire… |
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Quartier palestinien Patronato |

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On trouve toutes sortes de bouffes. |

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La Casa des sol… |
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son bar/restauration… |
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Salle d’exposition.. |
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Gravures de Natacha Campos Ordenes |

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Amaro Labra de Sol y Lluvia |

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Céramique de Daniela Mendez |