Le mur du con

« Bon ben lui je vais me le faire… » C’est en substance ce que je me dis tandis que l’Autre glousse une nouvelle fois pendant que la récitante nous narre la vie de Violetta Parra. Et ce con est en train de me gâcher un pur moment de grâce. Imaginez, un récital de toute beauté dédié à Luis Advis, compositeur et philosophe chilien ayant écrit notamment pour Quilapayún. Première partie par les élèves d’une école supérieur de musique et chant. « La Historia de Violetta Parra ». Et l’autre  blaireau il braille. Putain, pourquoi les gens, dès que c’est gratuit ils se sentent obligé de se déplacer? Serait-il venu si ça avait été payant? Non bien sûr! « Gracias a la vida que me ha dado tanto »… Il remet ça le nain. Je dis le nain parce que je le vois pas. Et comme tout le monde est assit il doit pas être bien grand. Il rit bêtement. Ça me gonfle menu mais j’ose pas lui dire « ser da veg ‘ta ». Entracte. On reprend nos esprits avec les camarades. Cette musique est vraiment émouvante. Et quel personnage que La Violetta. Et soudain je le vois. Je sais que c’est lui à la voix. Nasillarde. Il passe devant moi en riant. Je lui lance un regard lourd de sens. Il me sourit. De ce sourire qui dit « je sais pas pourquoi t’es là weón, mais clairement j’suis là pour te faire chier » Et je le crois. En plus il est accompagné d’une grosse dame qu’a pas l’air des plus aimable, j’ai pas envie de me la coltiner. Bon, on sait jamais. Va peut-être se calmer le gnome – effectivement il est pas bien grand.
La deuxième partie commence. Superbe. Les élèves de musique et chant d’un lycée interprètent « Santa Maria de Iquique ». Œuvre majeur du sieur Advis. Un hommage aux mineurs massacrés dans cette ville du nord chilien au début du XXe siècle. C’est un moment de l’histoire chilienne qui a forgé une partie de la conscience politique ouvrière. Une histoire de lutte de classe. Et c’est une fois de plus de toute beauuuuuté.
Et il la ramène encore le ravis de la crèche. Je me mets à imaginer toutes sortes de supplices. Et ça foisonne dans ma tête. Il faut dire que le lieu magnifique où nous nous trouvons, la Villa Grimaldi, au pied de la cordillère, au dessus de Santiago, ce petit domaine fleuri à l’architecture gracieuse, avec un petit côté Gaudi dans la faïence, cet endroit donc est l’endroit est le plus indiqué pour penser sévices corporels. De 1974 à 1978 il fut l’un des pires centres de torture du régime. Des dizaines de jeunes hommes et femmes y furent torturés, violés et assassinés. Des cellules ils ne reste rien. Elles sont marquées au sol par ce qui reste des murs. Comme de petits sentiers. Le reste est intacte. Plusieurs plaques au sol nous indiquent les zones de torture, de détention, les sanitaires… les lieux de privation! Une plaque plus grande donne le nom de tous les disparus de cet endroit. Cette soirée est organisée pour fêter le 65ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Quel symbole que de le faire ici. Dans cet espace où ils ont été souillés de la pire manière.
Et lui il braille. Mon imagination est à plein régime. Et là, alors que sur l’écran à droite de la scène sont présentées des images d’époque d’Iquique, d’ouvriers agonisant, là, ce jeune gourgandin commet l’erreur de trop. Finalement la grosse dame en a autant raz le bol que moi. Et alors qu’elle s’approche pour gourmander l’importun, celui-ci se retourne brusquement commence à courir, se prend les pieds dans une dalle… Je vois la scène au ralenti. Je vois son vol plané centimètre par centimètre. Et plus il avance inexorablement vers le mur de pierres qui lui fait face et plus je souris en même temps que je me dis : « putain tu l’as pas volé » et je me marre en pensant à cet odieux jeux de mot.
Pan! La tête la première. Il se relève assommé d’abord, surpris ensuite pour finalement se mettre à chialer sans retenue. Même pas un peu de fierté dans la défaite. L’humiliation n’en est que plus grande. « Ha ha » je me dis. « Victoire! » La grosse dame le prend dans ses bras, cajole cet être sans dignité, l’éloigne et le remet ENFIN dans sa poussette. J’ai enfin pu profiter de ma cantate.

Affiche vu sur le chemin…

Chaque carré de pelouse représente une geôle.

Le mirador

Final avec les deux écoles. Superbe.

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