Le rouge est une couleur… froide.

Samedi est organisé à Paine au sud de Santiago une fête des droits de l’homme, moment d’hommage aux disparus de la ville pendant la période de la junte. Paine a en effet le triste record du nombre de disparus. Quelques 70 âmes dont on ne sait rien sinon qu’ils ont été embarqués par la police ou l’armée. Nous y rencontrons Gustavo Puz, vieux militant anciennement socialiste et nouvellement communiste. « Y’a plus qu’eux qui sont encore à gauche au Chili ». Ce compagnon d’arme de Pato est de toutes les luttes sociales et écologiques. Il est également journaliste radio. Nous devisons un peu et décidons d’un entretien « officiel et enregistré » le week end prochain, après une nouvelle semaine en territoire mapuche – nous repartons ce soir, en bus de nuit. 
Le soir même nous sommes invités chez des amis de Pato et Carolina, sa compagne. Laurena et Osvaldo – mapuche de la région de Temuco – nous accueillent comme des princes, à coup de bonnes bières et de repas de fruits de mer de la mort. C’est à l’issu du repas, alors que nous devisions sur l’avenir politique du pays – deuxième tour des présidentielles le lendemain – Carolina apprend par téléphone la mort de Don Nilo, son grand-père. Nous nous rendons tous chez le défunt pour accompagner Carolina. C’est à 15mn à pied, en traversant le barrio, le quartier, La Legua. J’ai déjà évoqué cette ville dans la ville qu’est La Legua. Ce fut le dernier bastion de résistance anti-Pinochet en 73. On s’y battait armes au poing. Pato s’y est battu. De cette période d’insurrection plus le fait que c’est aujourd’hui le bastion de plusieurs barons de la drogue de la capitale chilienne, ce quartier garde une réputation des plus sulfureuses. Aucune chance d’y être invité par une agence de voyage. Et pourtant. L’histoire de La Legua, le charme de ses petites rue, le côté militant de beaucoup de ses habitants et la profusion de peintures murales exceptionnelles et l’accueil que j’y ai reçu à chaque fois… je suis vraiment sous le charme. Bon je suis accompagné par des résidents – voir des natifs pour certains – et j’ai bien compris que mon appareil photo était bien mieux dans mon sac à dos. Mais enfin. Nous passons devant la maison d’un des membres de Legua York, groupe de rap qui a fait la première partie de Manue Chao une semaine plus tôt. Ce mec est en plus grapheur de génie (j’ai vu certaines de ses œuvres c’est stupéfiant) et… maire adjoint de cette commune. Avec un programme de réhabilitation et de construction d’habitations sociale très ambitieux, mais visiblement il se donne la peine et les moyens pour aider sa communauté.
Arrivés à la maison du Don, il y a déjà du monde (il est minuit). Lorsqu’ Osvaldo me demande de l’accompagner pour trouver des clopes, je le suis avec plaisir. Nous nous promenons 30/35 minutes dans le quartier. Il me raconte l’histoire des rues, des gens que nous rencontrons, des bâtiments… Je pense à cette église dont le curé est sorti s’interposer entre de jeunes gens et l’armée qui était bien décidée à les rafler, mode Tienanmen le mec! Et d’autres histoires de héros moins connus.
Lorsque nous sommes de retour une quinzaine de jeunes portant drapeau rouge sont devant la maison, et une vingtaine de bougies allumées sur le trottoir. Il faut dire que Don Nilo Zamora est une figure incontournable du communisme chilien. 89 ans. Lui aussi a connu les prisons de Pinochet. Il en avait gardé un visage – le côté droit je crois – définitivement défiguré à coup de crosse de fusil. On me fait remarquer une autre agitation un peu plus loin dans la rue. C’est la maison d’un dealer bien connu dans le coin. On me raconte l’anecdote suivante : il y a quelques temps un jeune garçon et son père on été passé à tabac par la police. Leur malheur, avoir sorti un téléphone portable et l’avoir dirigé involontairement en direction des pacos. Ces derniers ont cru qu’ils avaient été photographiés par le jeune au moment ou le jeune dealer leur donnait une petite somme d’argent pour sa « tranquillité ». Ici les cocos ont pas de thunes. Les cons!!! 
Osvaldo et La Laurena m’invite finalement à dormir chez eux. Pato et La Carolina resterons toute la nuit.
Le lendemain, Patricio et moi nous nous retrouvons et hop direct Plaza de Armas pour rencontrer Rodrigo Toledo :
– plus jeune garde du corps d’Allende
– arrêté, torturé, Stade National, condamné à mort, communié en prison à vie, expulsé en Roumanie vers 76 (le tout comme Pato)
– Médaille du mérite en Roumanie pour avoir sauvé de nombreuses vies lors du tremblement de terre de 77
– Ecole militaire à Cuba, obtient un grade élevé j’ai pas noté lequel
– 1979 chef du groupe de sandiniste qui reprend le palais présidentiel au dictateur Somoza (marionnette U.S au Nicaragua)
– nouvelle décoration bien balaise de gros dur, mais décoration quand même
Mission d’aujourd’hui, le contacter pour qu’il nous aide dans nos missions de demain. Mission accomplie.
Tout est fermé aujourd’hui pour cause de votation, c’est ce qu’a promis Piñera (mais bon les promesses n’engagent…) et nous allons avec Rodrigo dans le premier café que nous trouvons. Un peu particulier le rade; Patricio m’en avait parlé mais je ne pensais pas y rentrer un jour. C’est un endroit très lumineux avec des glaces sur tout les murs. Pas de tables, pas de chaises. Seulement des comptoirs. Qui font le tour de la pièce et du pilier central. A gauche la mère maquerelle tient la caisse. Tu paies d’avance! A droite les comptoirs dernière lesquelles de sublimes créatures attendent le client. Tout est fait ici pour que le mal s’y sente bien. Les filles, jeunes, superbes, montées sur des talons de 30cm; moulées dans un uniforme qui consiste en une robe très, très courte. Et très, très moulante. A chaque pas, à chaque geste, celle-ci remonte de quelques centimètre et la demoiselle est obligée de réajuster sa tenue pour ne pas offrir trop facilement aux regards son intimité. Qui est tout de même protégée par une culotte ou un string. Sans doute pour éviter les courants d’air. La robe est noir avec une bande rouge et une bande blanche. Un écusson fait penser à un maillot de foot. Coïncidence? Ou se met-on à niveau du client désiré? Les comptoirs n’ont pas de mur. Juste un zinc sur petits piliers. Ainsi le client peut à loisir profiter des charmes de ces belles. Et c’est là que les miroirs aux murs montrent toute leur efficacité. Tu peux mater toute la salle sans bouger la tête! Et je vous arrête tout de suite messieurs, pas de photos même cachées. Ma mère est une femme, mes sœurs sont des femmes, l’employée d’Ingalañ est une femme, la coprésidente est une femme et de manière générale les femmes sont des femmes et je ne veux pas d’emmerdes. On sait à quel point c’est susceptible ces trucs là.
Ce qui m’amène à une autre minorité visible… L’armée. Aujourd’hui donc c’est vote. Et c’est l’armée qui est garante du bon fonctionnement de la démocratie… On arrête de rire svp, c’est du sérieux là! Vous avez bien lu. L’armée qui a confisqué la démocratie et les plus basiques droits de l’homme est aujourd’hui garante de ce qu’elle a souillé de ses Rangers hier. Et de fait, la capitale a des allures de ville sous couvre feu. Des bidasses partout, des flics à foison. Blindés en tout genres. Peu de photos car sont pas très amateurs (cf l’aventure a Legua).
A l’instant ou j’écris La Bachelet vient officiellement d’être réélue présidente de la République du Chili. Fille de soudard (même assassiné par d’autre soudards) elle a donné tout sa confiance en l’armée… Une histoire sans fin?

Câbles électriques et téléphonique…

… ça m’a l’air d’un bordel!

Paine et ses disparus.

Accès au site par les rails. Véridique.

Trop chaud les gens ne sont pas encore là.

Pato et son ami punk à chien. Sans chien.

L’Agence tout risque est là…

…mais les pacos regardent pas du bon côté!

Bureau de vote. Sous surveillance!

Médiocrité de l’information au Chili…
…qui veut faire passer cette mascarade pour une fête…
…avec des point de vue politique…

…très profonds.

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