Après cette première nuit passée dans la maison de Jaime et Griselda (ceux-ci ont eu la délicatesse de virer les gosses chez le grand-père pour qu’on ne soit pas ennuyé par le bruit puisse profiter de leurs lits) nous sommes réveillé à 5h30 par le coq, à 6h par Margarita la truie et à 8h30 par la relève de garde des pacos (ils surveillent de jour et de nuit la communauté). Après un petit déj’ nous partons pour Angol pour assister au dernier jour de débat du procès du werken Daniel Melinao. Il est accusé du meurtre d’un carabinier qu’il aurait tué pendant l’attaque de sa communauté par les « forces de l’ordre ». J’adore cette expression. « Forces de l’ordre ». On ne sait pas de quel ordre il s’agit mais c’est rarement pour le peuple que les flics œuvrent. Bref. Donc nous arrivons au tribunal, avec du retard comme il se doit et ne pouvons donc assister aux débats. Nous en profitons pour rencontrer des membres de la communauté et de la famille de Daniel. Nous verrons tout de même les avocats à leur sortie et ceux-ci semblent confiant. De retour à la communauté nous manquons (encore !) de peu la cérémonie annonçant le début de la récolte mais nous sommes invités au reste du repas. Chouette moment de partage. Et reposant.
Lendemain, rebelote : coq, Margarita, pacos plus les caquètements sympathiques de Griselda et de Silvana, une amie Mapuche de Santiago qui est restée cette nuit. On part tous ensemble pour Angol assister au verdict du procès. Fête ou émeute. Joie ou colère. Tout va dépendre de la décision de 3 juges. Pour le coup nous sommes bien décidé à rentrer dans le tribunal. On part donc de bonne heure. Sauf qu’on crève ! Ben oui. Dans ce bled où la route est faite de cailloux gros comme la roche tremblante, on devait bien s’attendre à ce que jouer les Fanggio ne fasse pas que du bien aux pneumatiques ! On trouve au village un garage qui nous répare ça assez rapidement. On arrive juste au moment de l’ouverture des portes, on voit la foule entrer mais trop tard pour nous. La salle est déjà pleine. On attend donc dehors. On observe une présence policière discrète. Mais nous savons pour les avoir croisé, que les camions à eau et lance grenade sont de sortie. Les forces spéciales sont visibles de loin. Casque au poing pour le moment. Prêtes à intervenir. À l’approche du procureur et de l’avocat des policiers ce sont des cris de mépris (« Asesino, Racista de mierda… ») et des crachats qui fusent. Mais sinon tout est calme. Tendu mais calme.
Un des membres de la communauté reçoit par sms le verdict. Non coupable. La suite est un immense moment de bonheur. On s’embrasse, on pleure de joie. Un rewe, une sorte de totem que l’on trouve au centre de chaque communauté,est monté en quelques secondes. Les gens sortent du tribunal et tous de danser autour. D’y repenser me donne la chair de poule. Vraiment émouvant. Comme la suite, la marche jusqu’à la prison pour assister à la libération de Daniel, la caravane de voiture jusqu’à la communauté (40/50 bornes) le passage très très très lent devant le camp militaire d’où vient la « victime ». Ah oui une chose. En déclarant Daniel Melinao non coupable, la justice a reconnu ce que disent les Mapuches depuis le début :le carabinier estmort d’une balle d’un autre carabinier. Ils se sont tiré dessus ces cons. Tirs croisés ! Bon après ils ont maquillé les preuves et lesExperts Chililocaux ont magouillé et inventé des faits pour incriminer celui qu’ils étaient venu chercher. Qui n’était pas là au moment des faits… Soit.
Comme ils n’ont pas confiance, les condés nous suivent puissamment armés jusqu’à la communauté. On sait jamais, des fois qu’on ait envie de poser une bombe ou deux. Ou de foutre le feu à la forestal… Mais non. Ce qui suit est une longue cérémonie dédiée à la Nuke Mapu, la Terre Mère. La communauté Wente WinkedMapuse trouve au pied de la montagne Mawida Chigaigue, endroit sacré, paysage de rêve.Les seules gouttes de pluie de mon voyage. Tout juste suffisantes pour rafraîchir le breton que je suis, un peu écrasé par la chaleur et le soleil.
Petits discours des lonkos, puis des werkenspuis de la famille, puis des amis et enfin de Daniel. Dont la première demande est de s’unir et d’aller à la manifestation de soutien au machiSelestino Cordoba, début février à Temuco. Manif interdite d’ailleurs. Il continuera à lutter pour le machiet pour les autres prisonniers politiques. Appel à la lutte à peine sorti de taule. La classe.
Et enfin,grosse fête chez Daniel où deux moutons sont sacrifiés. J’ai l’honneur de goutter le ñachi, sang encore chaud du bestiau auquel on ajoute des épices et des plantes –beaucoup de coriandre fraîche.Très bon et visiblement c’est un met de choix, à voir la ruée quand arrive le plat. J’ai plaisir à discuter à droite à gauche, et notamment avec l’avocat Nelson Miranda. Personnage étonnant qui ne connaît l’Europe et la France que pour y être passé brièvement dans les années 80. Il s’était rendu sur le vieux continent pour y acheter des armes à l’IRA et à l’ETA, afin d’alimenterla résistance intérieure chilienne anti-Pinochet.
Nous repartons vers 11h30. Bien crevés mais heureux de cette journée. Terminer – quasiment – mon voyage par cette grande victoire et être pleinement accueilli dans ces communautés (Temucuicui et Wente Winked Mapu) n’a pas de prix.
Demain, nous partons encore plus au sud. Direction la Bretagne chilienne.
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Margarita. Vivement qu’on la bouffe ! |

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Le Rewe de Temucuicui |


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Encore des feux pas loin. |




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Eux protègent le tribunal… |
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de ces gens là. |
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La partie civile. |


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Ils attendent que ça pète. |
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On vient d’apprendre la bonne nouvelle. |

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Elle c’est la porte parle du machi Celestino Cordoba. |
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Marche vers la prison. |



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Communauté Wente WinkedMapu, celle de Daniel Melinao. |

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Lui il va mal finir ! |
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Encore un feu. |

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On récupère le sang du mouton |

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Le ñachi, véritable met de choix !
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