Le rouge est une couleur… froide.

Samedi est organisé à Paine au sud de Santiago une fête des droits de l’homme, moment d’hommage aux disparus de la ville pendant la période de la junte. Paine a en effet le triste record du nombre de disparus. Quelques 70 âmes dont on ne sait rien sinon qu’ils ont été embarqués par la police ou l’armée. Nous y rencontrons Gustavo Puz, vieux militant anciennement socialiste et nouvellement communiste. « Y’a plus qu’eux qui sont encore à gauche au Chili ». Ce compagnon d’arme de Pato est de toutes les luttes sociales et écologiques. Il est également journaliste radio. Nous devisons un peu et décidons d’un entretien « officiel et enregistré » le week end prochain, après une nouvelle semaine en territoire mapuche – nous repartons ce soir, en bus de nuit. 
Le soir même nous sommes invités chez des amis de Pato et Carolina, sa compagne. Laurena et Osvaldo – mapuche de la région de Temuco – nous accueillent comme des princes, à coup de bonnes bières et de repas de fruits de mer de la mort. C’est à l’issu du repas, alors que nous devisions sur l’avenir politique du pays – deuxième tour des présidentielles le lendemain – Carolina apprend par téléphone la mort de Don Nilo, son grand-père. Nous nous rendons tous chez le défunt pour accompagner Carolina. C’est à 15mn à pied, en traversant le barrio, le quartier, La Legua. J’ai déjà évoqué cette ville dans la ville qu’est La Legua. Ce fut le dernier bastion de résistance anti-Pinochet en 73. On s’y battait armes au poing. Pato s’y est battu. De cette période d’insurrection plus le fait que c’est aujourd’hui le bastion de plusieurs barons de la drogue de la capitale chilienne, ce quartier garde une réputation des plus sulfureuses. Aucune chance d’y être invité par une agence de voyage. Et pourtant. L’histoire de La Legua, le charme de ses petites rue, le côté militant de beaucoup de ses habitants et la profusion de peintures murales exceptionnelles et l’accueil que j’y ai reçu à chaque fois… je suis vraiment sous le charme. Bon je suis accompagné par des résidents – voir des natifs pour certains – et j’ai bien compris que mon appareil photo était bien mieux dans mon sac à dos. Mais enfin. Nous passons devant la maison d’un des membres de Legua York, groupe de rap qui a fait la première partie de Manue Chao une semaine plus tôt. Ce mec est en plus grapheur de génie (j’ai vu certaines de ses œuvres c’est stupéfiant) et… maire adjoint de cette commune. Avec un programme de réhabilitation et de construction d’habitations sociale très ambitieux, mais visiblement il se donne la peine et les moyens pour aider sa communauté.
Arrivés à la maison du Don, il y a déjà du monde (il est minuit). Lorsqu’ Osvaldo me demande de l’accompagner pour trouver des clopes, je le suis avec plaisir. Nous nous promenons 30/35 minutes dans le quartier. Il me raconte l’histoire des rues, des gens que nous rencontrons, des bâtiments… Je pense à cette église dont le curé est sorti s’interposer entre de jeunes gens et l’armée qui était bien décidée à les rafler, mode Tienanmen le mec! Et d’autres histoires de héros moins connus.
Lorsque nous sommes de retour une quinzaine de jeunes portant drapeau rouge sont devant la maison, et une vingtaine de bougies allumées sur le trottoir. Il faut dire que Don Nilo Zamora est une figure incontournable du communisme chilien. 89 ans. Lui aussi a connu les prisons de Pinochet. Il en avait gardé un visage – le côté droit je crois – définitivement défiguré à coup de crosse de fusil. On me fait remarquer une autre agitation un peu plus loin dans la rue. C’est la maison d’un dealer bien connu dans le coin. On me raconte l’anecdote suivante : il y a quelques temps un jeune garçon et son père on été passé à tabac par la police. Leur malheur, avoir sorti un téléphone portable et l’avoir dirigé involontairement en direction des pacos. Ces derniers ont cru qu’ils avaient été photographiés par le jeune au moment ou le jeune dealer leur donnait une petite somme d’argent pour sa « tranquillité ». Ici les cocos ont pas de thunes. Les cons!!! 
Osvaldo et La Laurena m’invite finalement à dormir chez eux. Pato et La Carolina resterons toute la nuit.
Le lendemain, Patricio et moi nous nous retrouvons et hop direct Plaza de Armas pour rencontrer Rodrigo Toledo :
– plus jeune garde du corps d’Allende
– arrêté, torturé, Stade National, condamné à mort, communié en prison à vie, expulsé en Roumanie vers 76 (le tout comme Pato)
– Médaille du mérite en Roumanie pour avoir sauvé de nombreuses vies lors du tremblement de terre de 77
– Ecole militaire à Cuba, obtient un grade élevé j’ai pas noté lequel
– 1979 chef du groupe de sandiniste qui reprend le palais présidentiel au dictateur Somoza (marionnette U.S au Nicaragua)
– nouvelle décoration bien balaise de gros dur, mais décoration quand même
Mission d’aujourd’hui, le contacter pour qu’il nous aide dans nos missions de demain. Mission accomplie.
Tout est fermé aujourd’hui pour cause de votation, c’est ce qu’a promis Piñera (mais bon les promesses n’engagent…) et nous allons avec Rodrigo dans le premier café que nous trouvons. Un peu particulier le rade; Patricio m’en avait parlé mais je ne pensais pas y rentrer un jour. C’est un endroit très lumineux avec des glaces sur tout les murs. Pas de tables, pas de chaises. Seulement des comptoirs. Qui font le tour de la pièce et du pilier central. A gauche la mère maquerelle tient la caisse. Tu paies d’avance! A droite les comptoirs dernière lesquelles de sublimes créatures attendent le client. Tout est fait ici pour que le mal s’y sente bien. Les filles, jeunes, superbes, montées sur des talons de 30cm; moulées dans un uniforme qui consiste en une robe très, très courte. Et très, très moulante. A chaque pas, à chaque geste, celle-ci remonte de quelques centimètre et la demoiselle est obligée de réajuster sa tenue pour ne pas offrir trop facilement aux regards son intimité. Qui est tout de même protégée par une culotte ou un string. Sans doute pour éviter les courants d’air. La robe est noir avec une bande rouge et une bande blanche. Un écusson fait penser à un maillot de foot. Coïncidence? Ou se met-on à niveau du client désiré? Les comptoirs n’ont pas de mur. Juste un zinc sur petits piliers. Ainsi le client peut à loisir profiter des charmes de ces belles. Et c’est là que les miroirs aux murs montrent toute leur efficacité. Tu peux mater toute la salle sans bouger la tête! Et je vous arrête tout de suite messieurs, pas de photos même cachées. Ma mère est une femme, mes sœurs sont des femmes, l’employée d’Ingalañ est une femme, la coprésidente est une femme et de manière générale les femmes sont des femmes et je ne veux pas d’emmerdes. On sait à quel point c’est susceptible ces trucs là.
Ce qui m’amène à une autre minorité visible… L’armée. Aujourd’hui donc c’est vote. Et c’est l’armée qui est garante du bon fonctionnement de la démocratie… On arrête de rire svp, c’est du sérieux là! Vous avez bien lu. L’armée qui a confisqué la démocratie et les plus basiques droits de l’homme est aujourd’hui garante de ce qu’elle a souillé de ses Rangers hier. Et de fait, la capitale a des allures de ville sous couvre feu. Des bidasses partout, des flics à foison. Blindés en tout genres. Peu de photos car sont pas très amateurs (cf l’aventure a Legua).
A l’instant ou j’écris La Bachelet vient officiellement d’être réélue présidente de la République du Chili. Fille de soudard (même assassiné par d’autre soudards) elle a donné tout sa confiance en l’armée… Une histoire sans fin?

Câbles électriques et téléphonique…

… ça m’a l’air d’un bordel!

Paine et ses disparus.

Accès au site par les rails. Véridique.

Trop chaud les gens ne sont pas encore là.

Pato et son ami punk à chien. Sans chien.

L’Agence tout risque est là…

…mais les pacos regardent pas du bon côté!

Bureau de vote. Sous surveillance!

Médiocrité de l’information au Chili…
…qui veut faire passer cette mascarade pour une fête…
…avec des point de vue politique…

…très profonds.

Le mur du con

« Bon ben lui je vais me le faire… » C’est en substance ce que je me dis tandis que l’Autre glousse une nouvelle fois pendant que la récitante nous narre la vie de Violetta Parra. Et ce con est en train de me gâcher un pur moment de grâce. Imaginez, un récital de toute beauté dédié à Luis Advis, compositeur et philosophe chilien ayant écrit notamment pour Quilapayún. Première partie par les élèves d’une école supérieur de musique et chant. « La Historia de Violetta Parra ». Et l’autre  blaireau il braille. Putain, pourquoi les gens, dès que c’est gratuit ils se sentent obligé de se déplacer? Serait-il venu si ça avait été payant? Non bien sûr! « Gracias a la vida que me ha dado tanto »… Il remet ça le nain. Je dis le nain parce que je le vois pas. Et comme tout le monde est assit il doit pas être bien grand. Il rit bêtement. Ça me gonfle menu mais j’ose pas lui dire « ser da veg ‘ta ». Entracte. On reprend nos esprits avec les camarades. Cette musique est vraiment émouvante. Et quel personnage que La Violetta. Et soudain je le vois. Je sais que c’est lui à la voix. Nasillarde. Il passe devant moi en riant. Je lui lance un regard lourd de sens. Il me sourit. De ce sourire qui dit « je sais pas pourquoi t’es là weón, mais clairement j’suis là pour te faire chier » Et je le crois. En plus il est accompagné d’une grosse dame qu’a pas l’air des plus aimable, j’ai pas envie de me la coltiner. Bon, on sait jamais. Va peut-être se calmer le gnome – effectivement il est pas bien grand.
La deuxième partie commence. Superbe. Les élèves de musique et chant d’un lycée interprètent « Santa Maria de Iquique ». Œuvre majeur du sieur Advis. Un hommage aux mineurs massacrés dans cette ville du nord chilien au début du XXe siècle. C’est un moment de l’histoire chilienne qui a forgé une partie de la conscience politique ouvrière. Une histoire de lutte de classe. Et c’est une fois de plus de toute beauuuuuté.
Et il la ramène encore le ravis de la crèche. Je me mets à imaginer toutes sortes de supplices. Et ça foisonne dans ma tête. Il faut dire que le lieu magnifique où nous nous trouvons, la Villa Grimaldi, au pied de la cordillère, au dessus de Santiago, ce petit domaine fleuri à l’architecture gracieuse, avec un petit côté Gaudi dans la faïence, cet endroit donc est l’endroit est le plus indiqué pour penser sévices corporels. De 1974 à 1978 il fut l’un des pires centres de torture du régime. Des dizaines de jeunes hommes et femmes y furent torturés, violés et assassinés. Des cellules ils ne reste rien. Elles sont marquées au sol par ce qui reste des murs. Comme de petits sentiers. Le reste est intacte. Plusieurs plaques au sol nous indiquent les zones de torture, de détention, les sanitaires… les lieux de privation! Une plaque plus grande donne le nom de tous les disparus de cet endroit. Cette soirée est organisée pour fêter le 65ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Quel symbole que de le faire ici. Dans cet espace où ils ont été souillés de la pire manière.
Et lui il braille. Mon imagination est à plein régime. Et là, alors que sur l’écran à droite de la scène sont présentées des images d’époque d’Iquique, d’ouvriers agonisant, là, ce jeune gourgandin commet l’erreur de trop. Finalement la grosse dame en a autant raz le bol que moi. Et alors qu’elle s’approche pour gourmander l’importun, celui-ci se retourne brusquement commence à courir, se prend les pieds dans une dalle… Je vois la scène au ralenti. Je vois son vol plané centimètre par centimètre. Et plus il avance inexorablement vers le mur de pierres qui lui fait face et plus je souris en même temps que je me dis : « putain tu l’as pas volé » et je me marre en pensant à cet odieux jeux de mot.
Pan! La tête la première. Il se relève assommé d’abord, surpris ensuite pour finalement se mettre à chialer sans retenue. Même pas un peu de fierté dans la défaite. L’humiliation n’en est que plus grande. « Ha ha » je me dis. « Victoire! » La grosse dame le prend dans ses bras, cajole cet être sans dignité, l’éloigne et le remet ENFIN dans sa poussette. J’ai enfin pu profiter de ma cantate.

Affiche vu sur le chemin…

Chaque carré de pelouse représente une geôle.

Le mirador

Final avec les deux écoles. Superbe.

Daniel Melinao depuis la prison d’Angol: « Je ne suis pas impliqué dans la mort du policier »

Le werken de la communauté mapuche de Wente Winkul Mapu, Ercilla, a déjà passé 8 mois en détention préventive en attendant le début de son procès pour le meurtre du policier des GOPE, Hugo Albornoz.

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=D5cLI0wKtFA]

Daniel Melinao parle depuis la prison.
Melinao est en prison depuis avril. (J. Monsalve)
À travers une vidéo, le werken de la communauté mapuche de Wente Winkul Mapu, Daniel Melinao a indiqué qu’il n’a aucune responsabilité dans la mort du policier Hugo Albornoz, qui a été tué lors d’un RAID dans la communauté.
« Je n’ai aucune responsabilité dans les faits qui me sont reprochés, tout cela est dû à un montage politique contre moi à cause de ma condition de chef mapuche, étant le werken dans ma communauté », a déclaré Melinao.
Lors de cette communication, Melinao a ajouté qu’il « dénonce la répression et le harcèlement à l’encontre de notre communauté. L’état m’a montré et j’ai été privés de liberté, pratiquement séquestré depuis huit mois, pour minimiser notre combat. »
Le chef mapuche a été arrêté le 25 avril de cette année et a été capturé par le PDI, quand il était à l’intérieur d’un café Internet à Collipulli.
Melinao est présenté par le Ministère Public comme l’un des responsables de la mort du policier Hugo Albornoz, qui a été tué en avril l’an dernier lors d’un RAID à Ercilla.
L’accusation réclame une peine de 20 ans pour la qualification de meurtre du fonctionnaire de police et demande également pour le werken de la communauté Wente Winkul une peine de dix ans pour l’infraction de tentative de meurtre contre d’autres policier le même jour et un an pour les dommages, ce qui ferait un total de 31 ans de prison.
Source : Soy Chile
Traduction à la louche : Gus ar Braz

Une tendre image du futur

Fin du reportage. Pujadas reprend l’antenne, la mine sombre. Même lui, avec des années d’expérience n’est pas insensible à cette nouvelle vision d’horreur. Il rappelle avec gravité que les deux reporters,  André-Jacque Facial et Anna Rozemoileschossettes sont dans ce pays en guerre, qu’ils font leur devoir de journaliste avec abnégation. On sent la fierté de ce présentateur à pouvoir compter sur une équipe aussi courageuse. Il nous fait presque sentir à quel point lui aussi, s’il n’avait d’aussi grandes responsabilités – une rédaction à faire tourner, un peuple à informer… – lui aussi se verrait bien dans les pas d’Albert Londres…
L’écran se sépare en deux. A gauche notre homme tronc préféré, que la ménagère continue à trouver séduisant malgré quelques années de plus et quelques petites ridules, qui finalement le rendent tellement attirant. A droite une photo en gros plan, une boite de médicament quelconque. Une Voix off nous relate tout les bienfaits de ce médicament. Combien de temps cela dur t-il, 15 secondes, 20 secondes, nul ne le sait tant est fascinant le récit de cette belle Voix, aussi profonde que celle d’un Jean-Pierre Mariel. 
Le visage de Pujadas s’illumine enfin. Il se tourne sur sa gauche – la caméra semble reculer – et nous le voyons saisir une petite boite, fort semblable à celle vantée par la Voix. Il n’y a désormais plus que lui à l’écran. Il présente l’objet à la caméra, regarde bien l’objectif et dis de sa voix la plus enthousiaste : « Ce matin j’étais constipé. Mais grâce à Fucaca plus de bouchon. Dragées Fucaca c’est bon mangez-en ». Il se tourne vers l’autre caméra, sur sa droite cette fois, et d’un regard lourd de sens reprends : « A Wall Street, hausse spectaculaire de la délinquance des cols blancs, ce qui nous amène à ce nouveau scandale Lehman Brothers… »
Si vous trouvez ce récit délirant, je vous dirai que le plus improbable est la dénonciation des crimes des banquiers à la télévision. Je n’exagérè même pas ce que je vois à la téloche chilienne. De telles scènes sont visibles sur les chaines publiques et privées. Hier matin, alors que nous déjeunions dans un petite échoppe, œufs brouillés et merken avec un café, lyophilisé, un de plus, je regardais l’équivalent des journaux du matin. Tout s’est arrêté pour un flash spécial. Diantre, fichtre foutre mais que ce passe-t-il? Une invasion extra terrestre? Un tremblement de terre? On a trouvé une trace de neurone chez Steevie? De sympathie chez Poutine? De gauche chez Hollande? Non, PIRE. La starlette locale a porté plainte pour… j’ose à peine le dire tellement je suis choqué. La starlette locale (l’équivalent plante verte d’Energie 12, seins refais 10 fois et le QI d’une huitre neurasthénique) a porté plainte contre un journal people pour publication de photos volées. Quand nous avons quitté le rade, ce n’était pas terminé et cela faisait déjà 25 minutes que les envoyés spéciaux enquêtaient, sondaient les passants pour savoir ce que le peuple pensait RÉELLEMENT de ce tragique fait divers.
Je ne sais pas ce que deviendront les médiats en France mais tant que Jean-Pierre Pernaut n’aura pas été saisi dans le béton d’une maison Bouygues, je ne serai pas rassuré. Le pire est toujours à notre portée. Il n’est jamais loin et une de nos meilleurs probabilités. Ici j’en ai un vaste aperçu et c’est vraiment flippant.
Sur cette belle image du futur je m’en vais à un concerto à la Villa Grimaldi. Un lieu rêvé pour penser à un monde meilleur…
C’est dans ce bouiboui que le drame a eu lieu… par prudence il n’y a pas de photo de l’écran de télévision.

Même la lavande peut sentir la merde…

Arrivés ce matin à Santiago, vers 6h. Nous avons quitté Temuco hier soir alors que Matthei y commençait son meeting de fin de campagne. Affiches géantes partout avec ce slogan de deuxième tour, Si se puede, le Yes we can du pauvre. ‘fin quand je dis du pauvre, c’est quand même un parti de milliardaires. Qui fait rêver des pauvres. Et cette nana risque d’être en tête à Temuco et dans une grande parti de la 8ème région… Je dis 8ème parce que grâce à la dictature, aucune région n’a de nom. Juste un numéro. Comme ça c’est plus simple. Ils sont d’un pragmatisme ces bidasses ! Nous par exemple, on a la Bretagne, la Picardie, la Vendée… Ah non. Eux ils n’ont pas encore de région. Ils sont mélangés à des vrais gens. Dommage, l’humanité toute entière gagnerait à les isoler. Mais une fois de plus, je m’égare. Ici au Chili, t’as juste à savoir où sont le sud et le nord et tu comptes. Même un simple troufion s’y retrouve. C’est bien fait non ? J’aime cette rigueur toute martiale. Alors. Où en étais-je ? Donc quitté Temuco… Yes we can… 8.. Oui ça y est. Donc. Le gars Mélanch’ a dit d’une pseudo révolution à tête rouge gagnée par les patrons et les pollueurs de tout poils « les esclaves manifestent aux côté de leurs maîtres ». Bon, il dit ce qu’il veut le bonhomme. Tout le monde sait que l’esclavage est aboli en France. Tout juste peut-on parler de servage. Et encore. Volontaire. Non, ce qui m’importe c’est qu’ici, à Temuco, cette sentence a quelque chose de très profond. Imaginez. Un parti qui est directement issu de la junte, qui a tellement de sang sur les mains qu’il faudrait les plonger dans un bain d’acide pour les blanchir. Qui opprime encore les mapuches, dont le président sortant issu de ses rangs vient d’annoncer qu’il n’était pas question de changer la manière de traiter ces mêmes mapuches… Imaginez que ce parti est largement majoritaire dans cette région ! Navrant !
Bon je reprends le cours de mon récit où il était resté.
Peñi (Hermano, frère) Mario, taxi de son état, vient nous chercher dans l’hostaleria où il nous a laissé la veille. Une grande maison un peu terne avec une décoration douteuse. Direction le grand marché couvert pour un petit déjeuner plus que bienvenus. Nous n’avons pas mangé depuis la veille au matin. Sopaipilla con queso et café lyophilisé (difficile de trouver un vrai café dans le coin). Un vieux monsieur se joint à notre tablée. Et balance une grosse vacherie sur les condés qui passent. Ici on les appelle pas poulet mais Choroy. Perroquet. A cause de leur uniforme vert. Ça a l’air drôle mais je comprend rien… Et c’est reparti. Une bonne heure de route pour rejoindre Ercilla au nord de Temuco. Nous y rencontrons Jorge Huenchullan, werken (porte parole) de la communauté autonome de Temucuicui. Il nous conduit à sa communauté, 10/15 minutes de piste dans une nature magnifique. Seul hic, eucalyptus et pins partout au lieu d’essences endémiques. Arrivés à destination. Un groupe d’homme travaille à clôturer un très grand champ. Nous sommes en pleine action de réappropriation de terres. Sous l’œil scrutateur de condés loin de nous. Le moindre fait et geste de la communauté est su, épié. Les Mapuches ici récupèrent des terres vendues sous Pinochet à un suisse qui a décidé de se lancer dans la sylviculture. Il faut savoir qu’en France, la plupart de nos quotidiens sont imprimés sur du papier issu de plantations chiliennes. Avec une croissance rapide, le pin et l’eucalyptus sont une manne financière incroyable. Ils assèchent les nappes phréatiques mais bon. C’est pas comme si c’était grave. Or, donc, nos amis sont en train de récupérer ces territoires pour principalement les cultiver. Dans ce territorio en recuperación je fais la connaissance de Jaime, autre werken et frère du premier ainsi que de Victor Queipull, lonko (chef de communauté). Celui-ci connait bien les flics qui nous surveillent. Arrêté plusieurs fois, torturé, la police spéciale lui a même volé un cheval, sous ses yeux, il continue la lutte pour les droits de son peuple. Étonnant ce mélange de volonté, de certitude de lutter pour son bon droit et de calme. Il n’y a pas de haine dans ses propos. Nulle trace de violence. Alors que moi je suis en train de bouillir. Et pas seulement du fait du soleil qui tape dur. Non. Je bout aussi à entendre le récit de Jaime, dont la police militaire a massacré – pas d’autres mots – ses brebis. Lui qui est allé au Canada apprendre à faire du fromage a perdu une partie de son cheptel sous les roues de camions blindés! Rien que ça.
Après 2 heures de discussion, nous reprenons le chemin de Temuco. Dans tout bon film d’espionnage, il y a un rendez-vous dans un endroit improbable. Ben nous c’est dans une peruqueria. Un salon de coiffure! Tu parles d’aventuriers. Mais bon on est bien accueillis et les coiffeuses sont sympa. Sergio et Pablo de la CECT finissent par arriver, on s’en va causer ailleurs, dans un bar, et nous sommes bientôt rejoint par Carlo et son air de peintre fou. Bon moment de discussion, des choses à voir avec eux, prendre la température de ce qui se passe dans la région… Cuisine interne, je suis pas concerné par un grande partie de la discussion. Ou je la comprends pas, au choix. Pablo nous propose de nous accueillir chez lui. On s’installe et j’en profite pour prendre une douche. Froide la douche. Le raccordement au gaz n’est pas fait. Vous connaissez l’expression « les avoir comme des raisins de Corinthe »? Ben avec une eau qui doit arriver tout juste d’Antarctique c’est un peu ce qui c’est passé. 
Tout propre que je suis, nous partons pour le Gymnasio Olimpico où nous retrouvons nos camarades Mapuches de Temucuicui, rejoints par d’autres amis. L’ambiance est incroyable. Des banderoles partout, des gens en costume traditionnel, des hommes, des femmes, des enfants… La fête commence déjà a l’extérieur. Je rencontre un jeune mapuche qui est fan de la Bretagne. Il connait par cœur la Côte de Granit Rose, Lannion, Perros-Guirec… sans y être jamais allé. Juste dans les livres. Après une bonne heure de parlotte nous finissons par rentrer dans le Gymnase.
J’ai un pote – son père était pêcheur – il mangeait les meilleurs poissons du monde presque tout les jours. Et a force, ben il était un peu blasé. Alors que je me serais damné pour le dixième de la poiscaille qu’il avait à table, ben lui il rêvait de steak. Un vrai repas de fête était un repas avec de la viande. Blasé je vous dis. Ben moi, je suis toujours pas blasé de voir un concert de Manu Chao et la Ventura. Je ne l’ai pas autant vu que mon pote mangeait du poisson, mais je l’ai croisé pas mal ces temps-ci. Et ce concert à Temuco était incroyable. Une vraie belle communion; une grande fierté d’être là avec mes camarades. Surtout quand Rodrigo, frère de Jaime et Jorge est monté sur scène pour un discours très combatif, simple et efficace. Dédicace spéciale de Manu à ma personne, je suis finalement assez touché… Grand bordel bon enfant dans les loges lors de l’after. Une vingtaine de mapuches, à chanter et à déconner… Vraiment un beau moment.
En rentrant du concert de Manu, Pato me propose un dernier verre. Et en arrivant au premier troquet venu nous tombons sur deux drilles amis de mon camarade. Arturo et Samuel. Arturo est werken également. Ainsi qu’avocat spécialisé dans les conflits du travail. Il nous invite chez lui et là c’est le drame. Après deux bouteilles de pisco (40°) à quatre, des bières, après avoir refait le monde une bonne dizaine de fois, je me couche enfin vers 10h30. Du matin! Pour être réveillé 30 minutes plus tard pour manger un plateau de fruits de mer – de grosses amandes et une variété locale de moule – arrosé de bière premier prix. On refait le monde. Mode festif quand tu nous tiens!
En fin d’après-midi nous faisons aller-retour à Temucuicui pour rencontrer à nouveau Jaime. Petite discussion que nous reprenons le lendemain au même endroit avec en plus Luis Melinao, autre werken mais de la communauté Wente Winkul Mapu. Les communautés sont en train de préparer une action importante. Nous y participerons également. J’en parlerai plus tard. Brève rencontre avec Nelson Miranda, avocat dévoué à la cause Mapuche. Incroyable ce mec. Il donne tout ce qu’il a à la lutte. Son bureau est plus petit que ma chambre. Nous allons ensuite à Collipulli à 10mn de Ercilla. Un jeune mapuche passe en audience préliminaire pour meurtre. C’est en arrivant dans ce bled que tu rends compte de la militarisation de la région. Dehors camions blindés, dedans, entourant l’accusé, 3 enculés de la police spéciale, ceux avec la cagoule… Derrière la vitre blindée le public attend. Une quinzaine de mapuchse  – dont Victor Ankalaf, lonko et ami de Pato – venus soutenir le jeune homme. Son avocat obtient du juge des analyses complémentaires mais par un labo indépendant. Pas par les flics qui ont l’habitude de falsifier les preuves. Après le verdict le public présent scande l’incontournable « marichiweu! » : Dix fois nous vaincrons! Deux autres mineurs passent plus tard pour motif d’incendie volontaire. Mais ils sont prévus trop tard. Nous devons rentrer sur Santiago.
Retour à Temuco avant de reprendre le bus, repas rapide au marché couvert du centre – retau de poisson et fruits de mer, La Caleta, si vous passez par là! Après un congre avec un peu de merken – préparation pimentée du coin – un dernier rendez-vous avec Sergio dans le repaire improbable qu’est le salon de coiffure, pour parler de notre visite à un prisonnier politique à Temuco la semaine prochaine, el peñi Daniel. Nous récupérons nos affaires, prenons un taxibus (aussi taré que mon chauffeur nocturne de Santiago…).  Gare routière, bus de nuit direction la capitale… Nous passons devant un très beau champ de lavande. Patricio m’explique qu’à Cañete il y a de grosses plantations de tulipes. Exclusivement pour la Hollande qui fait croire que tout pousse chez elle. Mais ici à Temuco c’est la lavande. Parce que ça le vaut bien Loréal y a investit massivement pour son industrie cosmétique. Sur des terres usurpées. Au Chili, grâce au vol des terres des natifs, même la lavande peut sentir la merde…

Il y a une quinzaine d’échoppes comme celle-ci. On y mange bien pour pas cher.
Angol,un des marchés couverts.

Comme Desproges l’a déjà dit : le Chili n’a ni ouest ni est. Seulement un nord et un sud. Même les pancartes le disent!

Ercilla, nord de Temuco.

Mais qu’est-ce donc?

Cabane de pacos, ils surveillent de loin les mapuches.

Plusieurs cabanes de ce type sont construites pour bien montrer la détermination des mapuches à occuper le terrain.

Victor Queipull, lonko.

Jorge Huenchullan, werken.

Mario, notre chauffeur pour la journée.

Gymnasium d’Angol, le même jour…
Jaime, avec la casquette

… y el peñi Arturo.
El peñi Samuel…
Le pigeon local!

Passerelle pour piétons, au milieu de… rien avec arrêt de bus intégré. Sur l’autoroute.

Petit stand de bouffe sur le bas côté. Y’en a tout les 100 mètres!

Un bicentenaire version chilienne.
Eveline est même sur les toits!

Tribunal de Collipulli.

Ici aussi Eiffel est passé faire un pont.

Cabane de bouffe d’un pote de Pato. 3 fois on passe, 3 fois c’est fermé. On ré essai la semaine prochaine…

Un des rares monuments de Temuco. Une pauvre statut dégueulasse…
Taxi bus de Temuco, mode fou du volant.

L’enfer du Nord, mais au sud!

Un truc VRAIMENT important à savoir quand t’es dans l’hémisphère sud c’est que c’est tout à l’inverse de chez nous. Par exemple, plus tu vas au sud et moins t’as de gens grossiers qui se la pète. Les cagoles, c’est au nord. Le sud du sud c’est le nord. Et ben pour le nord c’est pareil. Ici la piste avec des pavés antédiluviens et une température que je qualifierai de « normale » et ben tu les trouve au sud. Le nord du sud c’est le sud. C’est clair? Autre exemple. Un Marseillais pour être bien il doit aller vers Antofagasta. Au nord. Et un Breton à Temuco. Au sud. Et ça tombe bien j’y suis. A Temuco. A la louche, 700 bornes au sud de Santiago. 10 heures de bus! Mais ça valait le coup. Paysages superbes, entre deux cordillères… Photos prises du bus mais y’a de la matière. Bon on est arrivé avec 2 heures de retard sur l’horaire prévu mais sinon ça va. En fait non. Ça va pas. On a tous notre petit truc, nos petites manies. Pas des t.o.c mais presque. Jean-Yves est obligé de faire des jeux de mots foireux, Céline Dion n’est bien que quand elle peut placer « mon mari René » dans une phrase et Hubert Bonisseur de la Bath aime se battre. Ben moi c’est la ponctualité. J’aime ça être à l’heure. C’est mon dada. Et même j’aime être un peu en avance. Et ben depuis mon départ pour le Chili je cours tout le temps. Toujours à la bourre. A un rendez-vous, pour prendre le bus. Par exemple aujourd’hui, pour aller à la gare routière, on a pris un métro. Et paf ! Un suicide. Comme à Paris. Les mecs non seulement décident de traumatiser un pauv’ chauffeur de rame qu’a rien demandé mais en plus ils le font aux heures de pointe pour bien faire chier le PLUS de monde possible. Et ben toi tu fais quoi quand tu as un bus à prendre? Tu cours et tu chope un taxi. Et arrivé au terminal, tu prends ton billet, t’es large (30 mn, le temps de boire une mousse), tu vas au terminal 14 en partance pour Temuco et… rien. C’est pas le bon bus. Parce qu’à la gare routière, il y a DEUX terminal 14. DEUX. Et on te fais comprendre que va falloir courir, parce que c’est pas tout prêt et que ton bus est censé être déjà parti! Finalement plus de peur que de mal, lui aussi avait un peu de retard.
Comme Manu Chao et la Ventura hier soir, au stad Vélodromo de Santiago. 40 minutes de retard. Faut dire que les gens affluaient, affluaient, on voyait pas la file s’arrêter. Et puis finalement ça a commencé. Superbe. Comme d’hab. Public fiskal, première partie excellente, un groupe de rap de Santiago dont j’ai oublié le nom mais comme je l’ai noté quelque part j’en reparlerai prochainement. Bien. Et puis ça fait bizarre d’entendre ce genre de musique dans ce lieu. Le vélodrome est juste à côté du grand stade ou tant de gens (dont mon pote Pato) on été enfermés. Sauf qu’au vélodrome on fusillait. On prenait au hasard, vous savez comment sont les militaires, de grands joueurs… Alors comme au jeux du loup « un, deux trois, j’irais au bois quatre, cinq six cueillir des cerises, sept huit neuf j’vais faire une veuve… » Et là on prenait le pauvre bougre pour le fusiller un peu plus loin.
Bref une bien belle époque, révolue hélas mais dont on trouve encore des traces. Je pense à cette montagne que nous croisons sur la route de Temuco et qui servit de camp de torture pour nos amis soudards. Pas de limite à leur cruauté. On y a retrouvé un charnier…
Enfin nous voilà au cœur du territoire mapuche. A peine sortis du bus nous croisons un ancien prétendant mapuche à la présidence chilienne. Pas de bol, sa candidature n’a pas été acceptée! Il nous invite à une réunion mercredi. Nous posons nos affaires et en lisant nos mails nous apprenons que notre intervention de demain lors du concert de Manu au Gymnasium Olympico ne pourra pas avoir lieu faute de temps. Pas grave. J’ai pas bossé pour rien voici le texte (merci Mao et Ezhvin, vous êtes des sales gosses mais vous m’avez bien aidé 😉 :
Salud d’an holl, kamalded. Gurvan eo ma anv, dileuriad ur gevredigezh vihan on hag e vez graet Ingalañ geti (« compartir  » e castilaneg).
Erru a ran ag ur vro bell. Breizh eo he anv. Tarn vihan impalaeriezh Bro Frañs eo ha fenoz emañ ar wech kentañ din komz yezh ma zadoù en ur vro all eget ma hani.

Ma fobl a zo ur bobl fier bras, get ur sevenadur brav ha kreñv. Mes a gaoz d’ur stad greizenner, a gaoz d’ur stad golonial, tost marvet e oa ma yezh ha ma sevenadur.
« Arrabat eo stufal àr al leur ha komz e brezhoneg » e oa skrivet àr panelloù bloavezioù ‘zo.
Tudoù ma vro a oa graet terroristed anezho get stad bro Frañs peogwir e tansen hag a ganen e brezhoneg. Ar fedoù n’int ket kozh. Nemet 30 bloaz zo hepken. Abaoe o deus savet ar vretoned  skolioù  evit deskiñ o yezh d’ar vugale, kendalc’het o deus mont d’ar festoù noz… Kendalc’het o deus komz o yezh ! Hiriv an deiz n’eo ket savetaet ma yezh c’hoaz hag emañ ret deomp bout soursius.
Traoù hon eus hulmet e ma bro, o gwellout a ran amañ hiriv. Kreñvoc’h ha feulzoc’h.
Setu perak on amañ genoc’h fenoz. Amañ on evit lâr d’ar mapuche « c’hwi n’och ket en o unan !Ur bochad pobloù er bed a gompren hag a  zalc’h o stourm ». Evit lâr d’ar brezidanted é tonet : « n’ho peus ket ar gwir da voustrañ ar bobl Mapuche. Roet dehe en dro douar o zadoù. Doujit an merkad 169 an OIT. Torrit al lezenn a-enep terroristed. Dieubet ar prizonidi politikel. Disoudardit an terouer popl mapuche ha benn ar fin, paouezit gant ar c’hrougadegoù a enep d’ar vugale ! ».  
Ne ouian ket pegoulz mes un dra ‘zo sur : ma dalc’hit penn e vo frank ho pobl en-dro. Arc’hoazh pe ar bloaz e tont pe pelloc’h c’hoazh, frank a voc’h àr ho touar! Dalc’hit penn !

El Velodromo. C’est vrai qu’on peut y mettre du monde !

C’est à qui cette belle casquette?

De gauche à droite : Carolina, Alejandro « el doctor« , un mec connu, un mec pas connu et Pato.

Cette belle montagne en banlieue de Santiago était le lieu des pires tortures des militaires.
Cordillère à l’ouest…

… et cordillère à l’est.

Des poulets…
… et d’autres poulets.

De la nuisance visuelles.

Nuisance visuelle dans un arbre!

La route n°5 qui traverse toute l’Amérique du sud et qui va jusqu’aux USA.

On rentre dans la partie forestière de l’Araucanie. Ou les essences locales sont remplacée par du pin et de l’eucalyptus. Ça pousse plus vite mais ça pompe toute la flotte. Un vrai désastre écologique.

Des maisons Bouygues locales…

… à perte de vue.

Buenos dias buenas tardes

J’ai déjà eu littéralement la peur de me chier dessus. Ma mère va encore trouver que je suis grossier, mais c’est comme ça. On l’a tous connu. Une bonne gastro et hop ! Mais celui qui n’est jamais rentré de nuit en taxi santiaguino – nom des habitant de Santiago je crois – est vraiment passé à côté d’une sensation… unique. En revenant d’une soirée traditionnelle Aymara (peuple amérindien de la zone nord Chili/Pérou/Bolivie) nous montons dans une voiture banalisée, avec un chauffeur au black. Et c’est parti pour 15 longues, très longues minutes. J’ai l’impression à chaque queue de poisson qu’on va y rester. J’ai bien envie de lui dire au monsieur « tu sais, je viens de passer une bonne soirée à saluer la Pacha Mama, elle a l’air de vouloir me laisser pénard et en plus, c’est pas pour dire, mais le mec de Fast and Furious il a plutôt mal terminé ». Mais comme derrière moi Pato et son amie Carolina semblent pas plus effrayé que ça, je dis rien. Mais j’en pense pas moins. Et que je t’évite un nid de poule en me rabattant à plein régime (imaginez une voiture de course sur une piste de safari) et que je double par la droite un autre taxi qui tourne… à droite! Le tout à 90 avec une limitation de 60! Bref, un camarade a beau m’avoir fait connaitre le coup du cosmonaute et autres saloperies aériennes, j’avoue que cette expérience restera dans les annales… sans jeu de mot foireux évidemment.
Et en parlant de foireux, c’est exactement la chose qui me vient à l’esprit quand je pense à la découverte des problèmes d’égaux qui vont réussir à me pourrir une partie de mon travail en Araucanie/Wallmapu. Je me trouve bien malgré moi au centre d’un conflit de personnes qui risque de compromettre une partie de mes relations à venir avec les communautés mapuches. Je ne vais pas ici citer de noms, sauf si ça dégénère mais une chose est certaine, ça me les brise menu! Et ça me gonfle d’autant plus que ce qui se passe est symptomatique des mouvements dits « progressistes ». Pas moyen de se mettre d’accord sur le plus petit dénominateur commun – ici la lutte des mapuches pour leurs terres, leurs droits… – y’a toujours un casse burne pour te trouver : 1/ trop gros 2/ trop star 3/ trop solo 4/ pas assez 5/ trop social traitre (rayez les mansions inutiles). Bref ça va pas arranger mes affaires dans la région de Temucuicui où je me rends demain. D’autant que pour ma propre intégrité physique, je préfère avoir le plus de soutiens (que ce soit lors de manifestations ou lors de mes prochaines visites de prisonniers) et c’est précisément des menaces de ce genre que je reçoit en ne choisissant pas le « bon camp » ou pire, en ne faisant pas de choix : « nous ne pouvons plus te la garantir », ton intégrité physique, me dit-on en substance…
Bon heureusement, au Chili y’a des fêtes. Et c’est donc au Parque O’Higgins (du nom du rouquin – avec un nom comme ça j’en serai pas étonné – qui fut je crois le premier président chilien) que nous nous rendons, pour un festival dédié aux droits de l’homme.  Nous sommes rejoints par Carolina, une amies de Pato. Et c’était plutôt pas mal musicalement. A l’exception d’un pauvre groupe de cumbia bien crado – orgue bon-tant-pis en veux-tu en voilà – c’était vraiment bien. Le festival devait avoir lieu sur 2 jours mais le manque de préventes a décidé les organisateurs à tout regrouper sur une journée. Moment de grâce lorsque le public siffle des pacos (flics) reconduisant à l’extérieur des fraudeurs. Nouvelle manière chilienne de railler les condés : chanter « Buenos dias buenas tardes » en référence à une série télé où les flics tapent à la machine avec 2 doigts. Manière de se moquer de leurs 4 neurones. Comme d’habitude je ne danse pas, même sur « Adios General« de Sol y Lluvia. Mais on me fait remarquer que ne pas sauter comme tout le monde sur le refrain peut te faire passer pour un copain de Pinochet. Je fais un effort! Je ratte de peu Quilapayún mais nous devons nous rendre à une soirée Aymara, organisée par une association culturelle. Passage rapide par la « Republica Independente de la Legua » (quartier bien zonard, haut lieu des trafiques en tous genres, très pauvre, où même les lois de Pinochet avaient du mal à être respectées) pour récupérer Célia, amie de Carolina qui nous a invité. Et hop, la salle des fête en taxi – même pas peur celui-là – on est accueilli avec un petit canelaso, alcool traditionnel super bon mais un peu trop sucré à mon goût, une petite cérémonie pour la Pacha Mama (avec un chaman qu’aurait un peu trop prit de crucifix dans la tronche; mon castillan approximatif me le laissait présager, Patricio me l’a confirmé). Amour et feuilles de coca, musiques et danses, un super repas. Une vraie belle soirée de fraternité…
Avant les première frayeurs intestino-noctures…
Aujourd’hui, je m’essaie à un nouveau truc. Photo plus son. Bon c’est un début. Un peu d’indulgence que diable!
Projet délirant de barrage au dessus de Santiago.
Un admirateur de l’Eternaute. A lire d’urgence.

Memoire rebelle et 16:9

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=S7GX6nFRmpU]
Pour un peuple qui vit soumit aux caprices d’une société injuste, immorale et organisée de manière criminelle, à quoi correspond la célébration du 18 septembre*?
Rien !
Le peuple devrait refuser de fêter avec ses bourreaux et tyrans l’indépendance de la classe bourgeoise, qui n’est en rien l’indépendance du peuple, ni individuellement ni collectivement.
*fête nationale chilienne
Ce qui est bien quand tu es à l’étranger c’est que tu peux aisément relativiser la médiocrité crasse de la télé chez toi. Entre la pauvre émission de sosies d’hier soir, les télénovélas qui font passer « Plus belle la vie » pour du Truffaut et les chaines d’info continue où le Jean-Pierre Pernaut local qui a moins de 35 ans a été choisi pour la qualité de sa dentition (parfaite) et ne semble pas plus savoir de quoi il parle qu’Elkabbach connait l’impartialité, comme sur le vieux continent, je suis effaré des quantités de merde en barre qu’on nous fait ingurgiter ici pour préparer nos cerveaux à accueillir plein de belles pubs.
Comme en France, les pubs reflètent le programme en cours. Et aujourd’hui, comme quelques milliards de gogos dans le monde, j’ai assisté en direct, au tirage au sort de la coupe du monde. Après que la Clara Morgane locale – je parle de sa ressemblance physique, je ne me permettrai pas de spéculer sur son vrai travail!… La dame, donc, fini son allocution, et juste avant que l’acariâtre (et désormais incontinent, ça a son importance pour la suite) et ami des plus grands dictateurs du monde Sepp Blatter ne prenne la parole, paf, une pub pour la version française des couches Confiance. Je vous promet que c’est vrai!
Donc passer ce grand moment de joie – et d’ennui en ce qui me concerne – et après 1h de parlotte sur le fait que le Chili est tombé dans un groupe assez ardu (Espagne; Hollande; Chili et Australie), après m’être fais gentiment charrié (« la France est dans un groupe super facile, c’est la mafia en lien avec la FIFA… ») on a enfin droit à des infos. La Region de Wallmapu (Araucanie) est sous tension en raison des émeutes et de la violente répression policière qui ont fait suite au verdict très lourd à l’encontre de 3 Mapuche accusés du meurtre d’un propriétaire terrien. Je dois me rendre dans la localité d’Angol la semaine prochaine. Ça promet! Mais bon, on est pas là pour se les gratter.
C’est une petite journée de travail, pas de rendez-vous aujourd’hui et on a bien bossé ce matin, et nous en profitons donc pour nous rendre à San Cristobal, point culminant de Santiago. C’est The place to be quand tu veux t’aérer. Et c’est vrai que c’est chouette cet endroit. Verdure, panoramas incroyables… En photographiant comme un japonnais sous speed j’ai découvert avec joie un fonction 16:9 sur mon appareil. La classe. Info totalement inutile, j’en conviens, mais c’est mon blog et je dis ce que je veux. Y’a des sites où on dit des trucs vachement moins intéressants et qui sont vachement visités. Regardez le compte facebook de Justin Bieber! Ou le nombre de spectateurs d’NRJ 12 !
Bref. Montée en funiculaire, retour à pied. En descendant (2h tranquilles) on croise et on se fait doubler par je ne sais combien de cyclistes, mais je ne pense pas me tromper en disant des centaines. A les regarder je me suis même pris à penser que des fois c’est pas mal le sport, que ce serait cool de monter cette montagne sur une petite reine (pas Elisabeth ou Fabiola, trop vieilles), sans avoir l’impression d’être en crise d’asthme… Et puis je me suis pincé et c’est passé. Ouf. Je vais pouvoir manger mes Locos (Concholepas concholepas pour les plus érudits d’entre vous) avec un excellent pavé de saumon importé spécialement dans le pays pour l’élevage à l’exportation. Et comme il est en train de tuer toutes les espèces végétales et animales endémiques, le Chili sera encore plus européanisé. Alors, on dit merci qui?

C’est vrai qu’il a du en chier pour arriver jusque là. En plus le seul qui l’aide c’est un manchot. Pas de bol.

Presque oublié que c’est bientôt Noël.

La tour la plus haute d’Amérique du Sud.

Ma mère va encore me trouver vulgaire mais ne dirait-on pas deux phallus argentés (astres des temps – hommage à peine voilé à Ange). Et la petite à gauche, on la dirait tout droit sortie d’un dessin animé!

Piscine publique sur fonds de cordillère. On s’emmerde pas!

Le procès de 3 « comuneros » Mapuche à Angol se termine par des incidents.

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=P9_QcxrfMmY]
Les Familles brisent les vitres du Tribunal de Garantía de la commune.

Au cours de l’après-midi de jeudi, plusieurs incidents ont eu lieu dans la Cour du Tribunal de Garantia d’Angol, alors que les juges dictaient le verdict de culpabilité contre 3 « comuneros » Mapuche pour vol avec homicide sur le propriétaire terrien Hector Gallardo Aillapan dans la ville d’Ercilla.
Les membres des familles des condamnés ont proférés des insultes contre les juges et la famille de Gallardo Aillapan, pour ensuite jeter des pierres contre les vitres du tribunal et se confronter à la police.
N’oublions pas que les faits remontent au samedi 1er septembre 2012, alors que 3 hommes masqués sont venus sur la propriété de Hector Gallardo Aillapan et l’ont abattus lors d’un affrontement avec le frère de la victime.
Deux accusés, Luis Marileo et Leonardo Quijon, ont mené des actions diverses pour démentir leur participation dans le meurtre, déclarant que tout était un montage.
À la périphérie du tribunal le personnel des forces Spéciales des Carabiniers a procédé à des arrestations de mapuches, dont 3 mineurs, de plus on a enregistré des attaques contres des enfants et également envers la presse par une partie du personnel policier, entre autre un dessinateur de presse international, arrêté pour une agression présumée sur des Caraniniers.
Les détenus seront présentés vendredi à la Cour d’Angol, pour dégâts et agression sur la police. 
Source : RedAraucania
Traduction à la louche : Gus ar Braz

Une bonne blague…

Aujourd’hui, rien. Journée studieuse, sans mettre le nez dehors. 6 heures d’entretien avec Jose. Nous avons continué à travailler sur les semaines à venir. Et c’est au cours de ce rendez-vous que l’ami Jose m’a apprit la meilleur blague de l’année. Attention Jean-Yves, même toi tu vas pas aussi loin. Il se trouve que le Chili a… une Fondation Pinochet! Ah ah ah… On fait moins les malins devant son poste!! On se dit, mais quel humour, quel sens de la dérision, ils vont trop loin… Nous on a eu Desproges, Coluche, Olivier Lejeune. Mais ça c’est tellement puissant. Et ben quand vous saurez qu’en plus la future présidente Bachelet va encore plus loin dans l’humour trash… Une déglingo la Bachelet, un truc de dingue. Lors d’un déplacement de campagne, elle a oublié de rencontrer la société civile, elle a méprisé les classes populaires pour prendre le temps de rencontrer… les responsables de la Fundacion Pinochet! Quelle déconneuse. Déjà lors de son premier mandat elle avait confirmé un des responsables de la Caravane de la Mort dans ses fonctions de recteur d’université (imaginez seulement, par exemple que Papon préfet sous l’occupation soit devenu préfet de Paris en 1958…). Vraiment, on dit d’Hollande qu’il a de l’humour mais celle qu’on appelle ici La Bachelet – socialiste dont le père est mort sous la torture des putschistes – est une vrai déconneuse. Faudrait pas qu’elle fasse une tournée en France parce qu’Anne Roumanoff se sentirait bien ridicule avec son politiquement incorrect « On nous dit pas tout ».

Voilà, sur cette bonne grosse barre de rire, j’ai encore mal aux côtes… A galon.

On serait bien couillon de se limiter !