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Sol y Lluvia |
Ce jour-là nous sommes une fois de plus attablés à la terrasse du Marco Polo, devant le monument aux populations autochtones du pays. Café très sympa avec une terrasse interdite aux mineurs. Ce qui le rend encore plus sympa. On est bien, donc, à siroter une bonne pinte de Becker quand un premier groupe vient à me briser… la quiétude du moment. Une demi-douzaine d’ados, vêtus de t-shirts rouges sur lesquels est imprimé los magrados existen(les miracles existent). Ils veulent absolument faire profiter la foule de l’heureuse nouvelle. Et d’offrir des livres sur la vierge (ha, donc ils sont cathos), des peluches, des porte-clefs… La seule chose c’est qu’en retour ils demandent un bisou. Bizarrement pas un ne s’approche de moi. Ils sont des centaines ! Partout sur la place et les rues adjacentes. Et ça gueule. A chaque fois qu’un gogo accepte (et ça arrive souvent) ils se mettent à chanter « Un abrazo, Un abrazo… Alléluia ! ». Outre que ça me les hache menues, j’ai quand même motif à satisfaction. En effet ça n’a pas l’air de plaire aux autres prosélytes de la place. En l’occurrence la tripotée d’évangélistes qui squatte habituellement ici n’arrive pas à en placer une. J’ai rien contre eux mais à chaque fois que je bois une bière ici, il ne faut pas 5 minutes pour qu’un de ces hurluberlus vienne juste derrière mon oreille pour m’éclater les tympans à coup de Bonne Parole.
Comme à chaque fois que les USA font la guerre quelque part, ils ont dans leurs bagages des évangélistes. En Irak, en Afghanistan… et au Chili. Petite concession bien naturelle de Pinochet à son bienfaiteur qui l’a plus qu’aidé à prendre le pouvoir, via la CIA et l’autre enfoiré de Kissinger, Prix Nobel de la paix pour avoir mis fin à un conflit que son pays ne pouvait gagner, la guerre du Vietnam. Et là je dis : bravo l’académie Nobel, quel vision, quel courage ! Ce mec va finir dans son lit alors qu’il devrait croupir dans une prison de La Haye ! Big Up à tous ces vieux cons qui ont donné ce merveilleux prix à cette ordure. Vous n’avez pas une petite place pour Netanyahou et sa contribution à une société israélienne encore plus raciste ? Un prix posthume de physique pour Petiot et ses efforts de rapprochement des juifs de Paris avec ceux d’Auschwitz ? Un petit prix Nobel de littérature à Obispo pour avoir commis son Ile aux Oiseaux ? Putain ça m’énerve. Ça m’énerve et en même temps je m’égare. Ce qui m’énerve encore plus… Bon, reprenons.
Selon l’OMS, leChili est un des pays qui compte le plus grand nombre de cas de pathologies relevant de la psychiatrie lourde. Et beaucoup de ces pauvres bougres engrainés par telle ou telle église et qui devraient être soignés plutôt que de rester à chanter (souvent faux, mais alors faux !) sont sur cette place. Et vraiment je ne sais pas ce qui est pire : que les portes du Paradis me soient fermées pauvre pêcheur que je suis ou bien subir leurs chansons foireuses commises avec le talent d’un recalé des éliminatoires de la Nouvelle Star, ce qui tendrait à prouver que l’Enfer est bien sur Terre et précisément sur cette place.
Au Chili, pour devenir riche, nul besoin de travailler, tu crées ton église et en quelques mois t’es pénard. A toi le fric et les femmes. Bon, faut aimer déblatérer en public pendant des plombes une bible à la main, histoire de faire tes preuves mais sinon ça marche plutôt bien. T’as un nombre d’églises au mètre carré vraiment impressionnant. Les tâches de l’UMP et du FN, qui font maintenant la fête ensemble, gueulent contre l’Islam des rues mais ici c’est la cour des miracles de la chrétienté. Un garage et hop, t’as un temple. Un chiotte et hop, une salle de prière mormone. Sur ce dernier point j’exagère, les mormons ont certaines des plus belles bâtisses du coin. Avec les Jehovas. Et t’as vraiment de tout. Eglise de Jésus, du Premier jour, des Juifs pour Jésus, de la Vérité, de l’Autre Jésus (!?), Pentecôtistes, Juilletistes, Aoûtiens… C’est comme chez Ikea. Si tu ressorts sans rien t’es vraiment balaise.
Or, donc nos jeunes cathos, finissent par tous se réunir au milieu de la Plaza de Armas. Ils chantent tous ensemble, ambiance camps scout. Si t’aimes pas Hugues Aufraypasse ton chemin. Ils ont même des chansons d’auteurs communistes. Ça me fait marrer. Et là, soudain, l’hystérie. Un jeune s’avance et fend la foule comme Moïse la mer rouge. Il est habillé d’un drap blanc, de sandales et d’une couronne d’épines (en plastique les épines, hein, faut quand même pas déconner). Il y a autant de charisme chez lui que de talent comique au théâtre des 2 ânes. Mais ce n’est pas grave. On y croit. Et ça crie, et ça chante et donc, s’en est trop pour moi. La bière est finie je me casse.
Et je m’en vais au Negro Bueno. Ce lieu mythique de Santiago accueille depuis 58 ans, outre un restaurant, un bar à l’ambiance survoltée et une salle de concert, un centre social qui vient en aide aux personnes handicapées, au vieux et aux sans toits du quartier. On y apprend également à danser ou à faire du théâtre. Ce soir-là, Sol y Lluvia donne un concert gratuit en soutient à l’établissement. Car la municipalité veut transformer ce rade en couloir de bus. Le show a lieu sur le toit de l’établissement. Avec le public en bas, parfois sur la route, dansant sur les trottoirs. Saïd et un compagnon grapheur nous rejoignent. La soirée est des plus endiablées. Grand concert, grosse ambiance, grand moment (sons pris du public ici mais attention c’est le bordel !)
Et aujourd’hui, grosse surprise. Après plusieurs mois de mobilisation, nous apprenons que le Negro Bueno (le Bon Nègre, parce qu’ici aussi y’en a des biens) a obtenu gain de cause. Qu’il va pouvoir continuer ses œuvres bibinesques et sociales. Mais alors, pauvre athéopaïen que je suis, les jeunes en rouge auraient-ils raison ? ¿ Los magrados existen ? Oups ! Oye Seigneur ! Aie pitié de moi, pauvre pêcheur. Steup’
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Devant le Negro Bueno. |
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Enorme la vue qu’ont les zicos ! |
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Un petit apperçu des locaux. |

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On est vraiment sur le toit. |


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Oh, encore ce bonhomme avec son joli t-shirt. |
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Petite visite des pacos mais ils ne resteront que 5 minutes. |
