Quand la musique est bonne…

Retour à Santiago, hier. Devant nous une petite semaine de repos.
Dernière visite à la communauté de Temucuicui avant janvier, en compagnie du docteur Venturelli, où nous avons rendez-vous avec le lonko Victor, Jaime et son frère, le werken Jorge. Après une heure de discussion sur la situation judiciaire du machi Celestino Cordoba rencontré hier à la prison de Temuco, les moyens d’aider celui-ci (dont je reparlerai bientôt), nous accompagnons Victor au tribunal d’Angol. Il doit s’y présenter suite à la manifestation de lundi. Nous ne pouvons rester car nous avons 8 à 10 heures de route en plein cagnard qui nous attendent.
Et nous reprenons la route du nord, via Renaico, capitale de la cerise. Arrêt chez un producteur, d’origine australienne, avec un vieil accent à la Crocodile Dundee. Nous serons les derniers clients de l’année car avec nous partent les derniers kilos de sa récolte annuelle.
On passe devant des hectares de zones déboisées, ou fraichement replantées. Ici la « forestal« , divisée en 4/5 groupes (internationaux) font entre 5 et 8 milliards de bénéfice tout les 4 mois. On comprend leur puissance. Et le combat des mapuches ressemble à celui de David contre Goliath. De loin c’est joli toutes ces forêts. Mais de près c’est assez glaçant. 
On passe au dessus de nombreuses rivières, presque asséchées. Pas du fait de la canicule, mais bien des barrages en amont, construits principalement pour l’industrie minière. La forestal et les mines, voilà bien la raison de l’assèchement quasi complet de l’Araucanie. Même en rasant ces « forêts » on estime qu’il faudrait 500 ou 600 ans pour que les sols et sous sols se reconstruisent…
Le docteur est un personnage éminemment sympathique. Déjà parce qu’il dit plus de gros mots que moi. Principalement sur les pacos (je dis paco surtout depuis que je sais que c’est interdit!). Il y a juste une chose qui m’intrigue chez lui. Ce mec est bardé de diplômes, il a travaillé dans je ne sais combien d’hôpitaux, de dispensaires, il aurait pu couler des jours pénards en tant que gynéco mais non! Il a choisi la pédiatrie! Comprend pas! Soit. Jose, c’est son prénom, a une connaissance de la région fascinante. Et en plus, ce mec il a connu en vrai la Violetta. Oui! Il a côtoyé la grande Violetta Parra. Et ça c’est un peu la classe (mais ça en dit long sur son âge!). Et puis surtout, il est un vrai mélomane. Le premier truc qu’il nous passe dans la voiture c’est du Jean-Marie Vivier, chanteur à la voix de Reggiani, ami de Félix Leclerc… Putain c’est bon (un petit morceau ici, spécialement choisi pour mon coreligionnaire JY). Ce qui m’amène à parler d’une vrai douleur. Et d’une hypothèse. Depuis maintenant 3 semaines que je suis là, et en dehors des 2 concerts de Manu Chao, de la soirée Luis Advis à la Villa Grimaldi et au Festival de los Derechos Humanos où j’ai notamment découvert Sol y Lluvia, je n’ai entendu que de la soupe. Sur toutes les radios des taxis, sur toutes les chaines de télé, dans les magasins… toujours la même musique sirupeuse, qui nous conte des histoires d’amour, de trahison, de passion, le tout sans intérêt… La dernière fois par exemple, on rentre dans un taco. Tout à coup j’entends Bill Deraime. J’me dis « putain c’est cool » – quand je me parle j’essaie d’aller à l’essentiel. Bon quand il a commencé à chanter du Herber Léonard, j’ai eu comme un doute. Et quand j’ai compris qu’il chantait en castillan, le doute n’était plus permis. C’était un faux Bill Deraime. Ah j’enrageai, seul sur ma banquette, pendant que mes compagnons et notre chauffeur ne remarquaient même pas l’immonde subterfuge. Heureusement que j’ai saisi l’escroquerie à temps, j’étais bien décidé à briser mes vinyles du bluesman dès mon retour en Bretonie. De même chez notre camarade Arturo n’entendais-je que du sous crooner espingouin. Nous avons même eu ce petit dialogue qui a presque mit fin à notre amitié éthylique naissante, dialogue que je vous retranscrit directement en version française, magie du doublage :
lui : « ici on connait pas vraiment la chanson française. Edith Piaf? » 
moi : « oui, elle est française » 
lui : « si y’avait un groupe il y a quelques années, c’était vraiment super. Il mélangeait de la musique électronique avec des chants sacrés »
moi : « !!! »
lui : « Grégorian, oui c’est ça, Grégorian, c’était vraiment super » (pour rappel, je vous ai trouvé une version best of d’une heure! )
Je repris mes esprit juste à temps, j’allais m’ouvrir les veines avec ce qui ressemblait à une paille ou une brindille, j’étais trop troublé pour m’en souvenir.
Comme partout les boutonneux écoutent les mêmes merdes préfabriquées par des producteurs qui ont autant à voir avec la musique que Musso avec la littérature – il y a des affiches pour One Direction partout à Santiago. Il y a bien des chaines de radio pour djeuns. Qui passent des trucs de Djeuns. En France il m’arriverais jamais à l’esprit d’écouter NRJ ou Skyrock. J’ai plus de 3 neurones et je suis majeur. Non j’écoute d’autres radios. Mais ici c’est pas possible. C’est ou fausse cumbia crado ou Franco Michele (version latine de Frank Michael). Même le pauvre groupe de punk que j’ai vu à une autre fête du souvenir avait même pas les bollocks de jouer à fonds – ni de chanter juste mais là n’est pas la question.
Ce qui m’amène à la théorie suivante. Attention à vous, c’est brillant. La Norvège est devenue à partir des années 80 la patrie du Black Metal. Le genre musicale le plus extrême jamais entendu à été favorisé par le traditionalisme de la société et le poids oppressant de l’église norvégienne. La jeunesse du royaume qui se faisait grave chier était en réaction totale. Ce qui a favorisé la création de ce genre musical et mené à quelques « dérapages » de ses protagonistes (meurtres, incendies d’églises médiévales… et fonds très subtile de cannibalisme… joyeusetés bien compréhensibles vous en conviendrez bien volontiers).
Et ben ma théorie est que si il y a autant de métaleux au Chili, que l’on parle autant des musiques métales sans en entendre (j’ai même vu un article sur la sortie du nouveau Mastodon dans l’équivalent ici du Figaro!) c’est que justement une grande partie de la jeunesse est en réaction à la musique Teysseire qui leur est servie à longueur de journée. Alors? C’est pas une théorie qui déchire? Aller c’est cadeau. m/
Une mosquée?…
Non, un super retau populaire.

Une forêt toute neuve sur des millier d’hectare…
… alors que la terre n’a même pas récupéré de la précédente.
On lui a pris ses dernières cerises. Il range tout!

Renaico, capitale de la cerise.

Petit arrêt fromage.

On s’approche de Santiago, des vignes à perte de vue.

Vitesse du bus affiché à l’arrière!

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