Sous le signe de l’Hexagone

Je dis souvent qu’il y a de grandes similitudes entre ces deux grandes démocraties – oui moi aussi je m’étrangle en l’écrivant – entre ces deux grandes démocraties, donc, que sont le Chili et la France. Et le plus souvent pour le pire. Hyper centralisation étatique, négation des minorités culturelles et linguistiques, peu de diversité médiatique… démocrature. Démocrature, c’est rond en bouche et sonne plutôt bien à l’oreille. Un très joli néologisme pour un concept entendu de plusieurs amis chiliens. Je ne sais pas si la paternité leur incombe. En tout cas, c’est un terme que je fais mien bien volontiers. Démocrature. En gros, un régime qui laisse accroire à la souveraineté du peuple par l’accès que celui-ci a aux urnes mais dont l’expression de sa volonté ne lui sera pas accordée – rappelez-vous le référendum sur la constitution européenne. Je peux deviner l’origine du mot aux suites de la concertación, période qui a suivi le référendum qui a sorti le Chili du paradis de Pinochet/Kissinger/Friedman. C’était un moment important de discussion qui devait permettre de sortir en douceur du « défunt » régime pour aller vers une organisation sociale plus fidèle aux aspirations du peuple. Or, il s’avère que fondamentalement, les choses, d’un point de vue institutionnel et social, n’ont pas vraiment bougé. Les fortunes faites pendant et grâce à la dictature n’ont pas été redistribuées, la droite à un véritable droit de veto empêchant toute avancée sociale, amnistie générale des anciens tortionnaires (Pinochet sénateur à vie), le pays appartient littéralement à des multinationales et surtout, la constitution reste celle créée par Pinochet him-self (d’où le mouvement actuel pour une Assemblée Constituante). Avec les socialistes à la négociation, le changement c’était pas maintenant. Ni plus tard.
Non seulement il y a de grandes similitudes entre la France et le Chili mais en plus ces deux pays ont tendance à se rapprocher de la plus vile des manières. Il y a quelques jours deux informations se croisaient sans émouvoir ni a Santiago, ni à Paris. À Paris d’abord où une avocate chilienne a été arrêtée et enfermée à sa descente de l’avion à Roissy. Son tort, être une militante des droits de l’homme, en tournée en Europe avec un autre avocat, Rodrigo Román – que j’ai eu le plaisir de rencontrer l’année dernière, il était l’un des deux défenseurs de Daniel Melinao, ce mapuche accusé du meurtre d’un carabiniero(mais totalement innocenté après qu’il eut été prouvé lors du procès que ce bon paco s’était fait dessouder par un de ses camarades). Nos deux abogados sont sur le vieux continent pour parler des graves manquements aux libertés fondamentales qui sont toujours aussi fréquents au Chili. Cette chère María Ribera s’est vue jeter à la gueule son passé de militante. Il semblerait en effet que pour la police française qui l’a séquestrée, avoir été une ardente opposante à Pinochet soit une tache indélébile et rédhibitoire sur un CV. Étonnant, non ?
La deuxième affaire à lieu ici au Chili. Où une juge demande à la France l’extradition de Francisco Ismaël Peña Riveros. Sa faute? S’être échappé de la prison de Santiago en 1990. Ben oui, ce couillon s’est fait la malle (avec 49 autres couillus !) avant de terminer la peine que lui a infligée le régime après avoir obtenu ses aveux (sous la torture). Un sens civique en dessous de tout ! Et c’est pourquoi cette brave juge Claudia Pamela Salgado Rubilarréclame bien légitimement à la France de lui renvoyer par courrier postal ce contempteur du droit qui a quand même le statut de réfugié politique dans l’hexagone. Comme elle a bien comprit que la parole donnée n’a pas de valeur sous nos latitudes (cf Cesare Battisti) elle a bien raison de demander. On ne sait jamais ! Pour l’heure je ne sais pas quelle est la réponse de Hollande, je ne pense pas qu’il aille plus loin. Mais s’il venait à abonder dans le sens de la pasionarias des brebis égarées se serait à coup sûr un véritable séisme pour l’image internationale de la patrie des droits de l’homme (putain je m’y fait pas).
Tiens donc, en parlant de séisme, j’avais presque oublié. Comme avec ces histoires il commence à se faire tard, promis, demain je vous parlerai de ma rencontre avec le terrible Terremoto.

Pas d’inspiration pour illustrer le sujet. J’ai bien la photo de la juge mais elle a une vraie tête à claques. Ça gâcherait !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *